Quoi de plus légitime quand on explore depuis plusieurs créations la parole limite au théâtre que de s’intéresser à un performeur comme John Giorno, troubadour sonore qui sillonne les Etats-Unis et l’Europe.

Comme pour Novarina, la profération d’un texte est pour lui un acte physique qui sous-tend une nécessaire énergie, une dynamique obligatoire. Mots, muscles, mêlés. Images, pulsion, confondues. Giorno le sait, la profération est une danse "sur place". Un don d’air. Bernard Heidsieck dit : « … Vouloir faire surgir un texte de la page, sur scène, pour le communiquer à un auditoire, c’est accepter pour la poésie le risque du funambule, c’est avaler le texte dans ses muscles et ses poumons, faire corps avec lui et réciproquement, et c’est être lui encore, hors de soi, tout à son écoute, dans le même instant et le moindre espace environnant à combler ».

En travaillant avec des danseurs et des acteurs, je convoque des artistes qui chacun dans leur art sont des praticiens de la dépense. Le corps parlant et le corps dansant ont-ils des espaces d’intersection ? Les langages entremêlés donnent-ils des corps réunifiés ? C’est ce que je me propose de travailler dans cette création en aspirant à ce théâtre lui aussi réunifié, où les arts visuels, théâtre, danse, musique, vidéo et poésie concourent à réconcilier les spectateurs avec le chaos du monde.

Alain Simon