theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Top Dogs »

Top Dogs

+ d'infos sur le texte de Urs Widmer traduit par Daniel Benoin
mise en scène Mathieu Bauer

: Présentation

«Top Dogs, qui vit le jour en 1996 à Zurich, parle de ces chômeurs, des «Top Dogs» précisément, et non des «Underdogs» qui, avant leur licenciement, se tenaient aux postes de commandes. De ces cadres moyens ou supérieurs et non, pour une fois, de ceux qui forment l’armée toujours plus grande des chômeurs. Mais les «héros» de notre pièce sont eux aussi de plus en plus nombreux. Eux qui, il y a quelques temps encore, semblaient inattaquables, sont maintenant soudainement congédiés parce que leurs entreprises sont restructurées, redimensionnées ou fermées. La vague de licenciements a touché les leaders. Des classes entières de managers disparaissent du jour au lendemain.


Le texte se fait l’écho de plusieurs conversations que nous avons eues avec les intéressés et les conseillers. Oui, on peut dire qu’ils ont écrit avec nous cette pièce même si aucune interview n’apparaît en tant que telle.»



Urs Widmer




Ce projet me tient particulièrement à cœur du fait que le travail de la compagnie s’est toujours attaché à transposer des univers à priori étrangers au théâtre – empruntés aux univers du cinéma, de la critique littéraire, du roman, de l’essai, du journalisme…. Le fait de me pencher sur le monde du travail des cadres, et plus particulièrement sur les conditions de leur licenciement et de ce que cela implique, m’ouvre des perspectives de digressions chères à nos propositions. Car il s’agira bel et bien de rendre le plus lisible possible le désarroi dans lequel peuvent être ces personnes : perte des liens sociaux, perte de l’identité, perte du pouvoir d’achat… sans jamais sombrer dans le misérabilisme. Bien au contraire, trouver la distance et l’humour nécessaires pour jeter un regard cru et sans concession sur un monde régi par des règles de plus en plus brutales où les hiérarchies, les résultats, et l’hypocrisie sont le plus souvent de mise. Ces cadres sont aussi les victimes d’un système auquel ils ont activement participé, qu’ils ont plus ou moins cautionné : mettre en jeu cette contradiction d’avoir été un «top dog» ; cela nous renvoie à notre propre responsabilité, et sans pour autant pencher vers une quelconque culpabilité, il faut bien s’interroger sur ce que l’on n’a pas voulu voir ou croire avant d’en être la victime. En ce sens, l’humiliation subie par certains protagonistes de la pièce lors de leur licenciement par leur supérieur hiérarchique est plus proche du renoncement que d’une véritable remise en question de ce système.


Pour mener à bien cette entreprise, j’ai travaillé au contact de chômeurs, ayant avec eux le bagage de ce vécu (cadres, managers..). Je pourrai alors m’appuyer sur leurs propres récits, leur propre expérience ; nous investir, nous nourrir de leur parole, non pas pour les reproduire et faire illusion, mais bel et bien pour qu’a partir de leurs propos, de leurs gestes, de leurs hésitations, prennent forme une matière théâtrale.


Enfin, l’humour noir qui se dégage du texte est un autre élément déterminant du traitement de la pièce : le grotesque de certaines situations (l’échange de rôles mari/femme par exemple) est proche du vaudeville (je pense à Feydeau), et c’est dans cette capacité que nous avons de rire de nous-même que je puiserai. Accentuer l’absurdité des personnages, tirer, si j’ose dire, sur tout ce qui bouge pour voir si c’est encore vivant. Me revient à l’esprit le film d’Aki Kaurismaki «Au loin s’en vont les nuages» qui traite lui aussi du chômage, et c’est toute la tendresse qui s’en dégage qui me donne envie de traiter ce sujet. C’est à dire quand un bouquet de fleurs panse plus de plaies et renoue plus de dialogues qu’il n’y paraît.


La musique : avec la présence de trois musiciens sur le plateau, sera une autre des composantes essentielles du spectacle. Elle agira sur la structure même de la narration. Elle pourra être le catalyseur des énergies proches de l’hystérie et de la transe présentes dans le texte (scène de la bataille des mots ou de la lamentation des multinationales…), ou le contrepoint harmonique idéal à une parole qui ne l’est plus du tout (scène des rêves). Tous ces glissements, musique-textes, fiction-témoignages, me permettront de rendre compte du véritable désarroi des personnages de «Top Dogs». Leur monde s’est écroulé, les repères des spectateurs s’écroulent avec. C’est également un travail sur le chœur qui devrait voir le jour. Sans mauvais jeu de mot, à chaque tragédie, son -chœur de paroles communes qui s’opposeront ici à des destins individuels.


L’espace : une des premières images qui me vient à l’esprit en lisant «Top Dogs» est celle d’un plafond, plus exactement un de ces plafonds en stuc blanc, découpés en carrés et posés sur des cornières que l’on trouve dans tous les bâtiments modernes. Je vois ce plafond descendre au fur et à mesure du spectacle, contraignant les acteurs comme pris dans une toile d’araignée.


Il s’agit pour moi de rentrer dans ce monde avec pudeur et humilité. Monde souvent fantasmé, rarement décrit et somme toute assez clos. Comment passe-t-on du golden boy des années 80 au chômeur longue durée des années 2000 ? Comment peut-on se sentir coupable d’avoir été licencié par des multinationales aux pratiques libérales de plus en plus radicales où l’individu ne pèse pas bien lourd dans un plan de fusion ou de restructuration ?… En ce sens, «Top Dogs» est une véritable tragédie contemporaine.



Mathieu Bauer

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.