: Note d’intention
Le XXème Siècle poussait ses derniers soupirs et nombre de nos contemporains retenaient leur souffle hantés par l’inquiétude émergente générée par le dérèglement climatique… Tempêtes, ouragans, typhons, crues, inondations sont alors apparus comme les signes d’une apocalypse programmée pour un XXIème Siècle tout juste naissant.
Dans En roue libre, le bouleversement climatique prend la forme d’une canicule hors norme.
D’autant plus hors norme que nous sommes dans la campagne anglaise où l’herbe qui a
d’ordinaire tendance à s’exhiber grassement verte et humide ressemble désormais à du foin
étalé sur une terre craquelée.
Cette manifestation du dérèglement climatique n’est en fait que l’illustration parabolique du
dérèglement hormonal dont est victime l’héroïne malgré elle, Becky.
Enceinte de quelques mois (état suffisamment perceptible pour les uns, un peu moins pour les
autres), ce bouleversement physique et physiologique va conduire la jeune femme à catapulter
la bienséance et bousculer bon nombre de conventions sociales ou relationnelles.
Penelope Skinner atteint en effet une certaine jouissance en semant le chaos dans les codes
sociétaux, peignant Becky, en pleine phase de grossesse comme une femme à la libido
grimpant à plus de 50° au dessus de zéro, en quête d’expériences à la lisière de la déviance…
« Shocking », diriez-vous ?...
Non, car malgré l’usage d’un langage cru et spontané, Penelope Skinner illustre avec pudeur
comment la transformation d’un corps nourrit la transformation de l’esprit et altère le regard
que les autres portent sur soi. Dans une nature chauffée à bloc, le comportement et la
sensibilité des protagonistes sont exacerbés.
Becky se lance de manière inextinguible dans une quête éperdue d’identité, lui faisant palper
les frontières de l’improbable en la propulsant virtuellement dans un monde fiévreux et onirique
peuplé de lutins ou de gnomes en rut ayant revêtu le costume du comédien amateur et du
plombier. Là, la débauche et les perspectives orgiaques et fantasmagoriques s’accompagnent
pour Becky d’un plaisir peu dissimulé. A l’opposé, John, son mari, presque trop bien sous tous
rapports, porte à lui seul toute la gestation avec une implication qui vire à l’excessif.
De ce désordre joyeusement établi, Penelope Skinner tire la pleine quintessence en livrant
une comédie décapante, au ton savoureusement « british », agitant l’ordre social pour mieux
nous laisser percevoir la subtilité de nos êtres lorsqu’ils sont soumis au moindre aléa ou à une
métamorphose majeure.
Elle souligne alors avec brio comment nos propres changements, transformations ou évolutions conduisent invariablement à la modification des regards portés sur nous par le monde qui nous environne nous exposant ainsi à l’inattendu, l’insolite et l’imprévisible…
Claudia Stavisky
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