theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « The Animals and Children took to the Streets »

The Animals and Children took to the Streets

+ d'infos sur le texte de Suzanne Andrade
mise en scène Suzanne Andrade

: Entretien avec Suzanne Andrade et Paul Barritt

Propos recueillis par Jean-François Perrier

Comment s’est constituée la compagnie que vous avez fondée en 2006 ?


Paul Barritt : J’ai entendu Suzanne Andrade à la radio, dans une émission où elle disait des poèmes sur un fond musical, et j’ai trouvé ce travail remarquable. Je lui ai envoyé par voie postale des dessins que j’avais faits en pensant à cette émission et nous nous sommes rencontrés. À l’époque, je faisais déjà des bandes dessinées et des films d’animation à partir de mes dessins. C’est ce que je continue à faire pour les spectacles de la compagnie, à partir des synopsis que propose Suzanne Andrade.


Suzanne Andrade: De mon côté, j’avais rencontré Esme Appleton dans une école d’art dramatique, où nous étudiions en section « jeu », et nous nous sommes toutes deux retrouvées à Londres. Elle s’est jointe à nous et maintenant, c’est elle qui propose les concepts visuels, les projets de costumes et qui, bien sûr, joue avec moi sur le plateau.


Qui a la charge de la partie musicale de votre travail ?


S.A. : C’est Lillian Henley, qui est pianiste et qui compose. Je l’ai rencontrée car elle était amie avec mon frère à l’université. Elle n’était pas pianiste professionnelle à l’époque, mais elle l’est devenue en rejoignant la compagnie.


Pourriez-vous expliciter le nom que vous avez choisi pour votre compagnie, à savoir 1927 ?


P.B. : Nous avons appelé notre compagnie 1927 car c’est l’année du premier « film parlant » (The Jazz Singer) qui mit ainsi fin à l’ère du film muet. En effet, la période du cinéma muet est une des grandes références esthétiques de notre travail.


D’où vous est venue l’idée de The Animals and Children took to the Streets, le deuxième spectacle de votre compagnie ?


S.A. : Il y a plusieurs origines à ce spectacle. D’abord, un voyage que nous avons fait à Hong Kong pour jouer notre précédente création, Between the Devil and the Deep Blue Sea. Pendant notre séjour, nous nous sommes promenés dans cette ville et nous avons vu un immeuble bizarre, en partie détruit, où habitaient des gens très divers, prostituées, ouvriers, chômeurs, vendeurs de montres, une population bigarrée assez étrange. Paul a fait toute une série de dessins de ce lieu et moi, j’ai écrit un texte à partir de lui.


P.B. : Mais, très vite, est venue l’idée d’une transposition à Londres, même s’il reste un côté très oriental à l’univers que nous avons imaginé, un peu comme si on mélangeait Hong Kong et Macao avec Londres.


Comment collaborez-vous entre texte et dessins pour construire votre spectacle ?


S.A. : C’est le texte qui est toujours premier dans notre travail. Mais il faut trouver rapidement le lien qui va exister entre l’acteur et le décor dans lequel il va circuler. Pour The Animals and Children took to the Streets, il nous est très vite apparu que, cette fois-ci, l’élément central résidait dans les fenêtres de l’immeuble, à partir desquelles nous avons construit tout le déroulé de la pièce. Une fois que le texte et le décor sont en accord, on présente des ébauches de scènes à la pianiste, qui conçoit alors un accompagnement musical. Et tout cela finit par donner quelque chose entre le théâtre et le cabaret, entre la comédie musicale et le dessin animé.


Pourquoi faire d’une petite fille l’héroïne de cette histoire ?


S.A. : Nous avons toujours travaillé avec des enfants, en particulier dans les quartiers est de Londres. Et là où je vis, je fréquente souvent des enfants, privilégiés ou beaucoup moins privilégiés. Nous avons donc eu envie d’imaginer ce que pouvait être l’arrivée d’une petite fille, venue d’un milieu aisé, dans le milieu de bandes d’enfants de banlieue. C’est ainsi que sont nés les personnages d’Agnès Eaves et de sa fille.


Votre décor et vos costumes ne sont pas datés dans le temps. En tout cas, ils ne font pas explicitement référence à la période contemporaine.


P.B. : C’est en effet ce que nous avons souhaité. Nous avons puisé beaucoup de nos références dans le cinéma, les livres pour enfants, les romans, la poésie. Nous ne voulions pas nous inscrire dans un univers contemporain reconnaissable.


Chaque spectateur peut donc apporter son imaginaire et ses références personnelles dans cet univers…


P.B. : C’est exactement cela, et c’est ce que nous voulions qu’il se produise. Les influences que nous avons subies, ou que nous subissons encore aujourd’hui, sont présentes dans notre travail. Mais elles sont filtrées par nos sensibilités. Certains pensent à Bertolt Brecht, d’autres à Fritz Lang, d’autres au dessin animé Inspecteur Gadget, d’autres encore à l’univers du célèbre graphiste Alexandre Rodtchenko. En Australie, certains pensaient à Batman… Et tout est vrai…


S.A. : Quelqu’un a dit, en voyant notre premier spectacle Between the Devil and the Deep Blue Sea, qu’il avait eu la sensation de pénétrer dans une vieille maison familiale et d’y retrouver les photos de ceux qui avaient habité là, mais avec des visages déformés par rapport à la réalité. Nous voulions donc entrer une fois encore dans l’imaginaire des spectateurs et leur proposer de fantasmer avec nous.


Combien de temps mettez-vous pour préparer vos spectacles ?


P.B. : Dix-huit mois entre la préparation et les répétitions.


S.A. : Mais nous continuons à travailler ensuite, au fur et à mesure des représentations, et nous pouvons changer certains moments du spectacle.


Une fois écrits, les textes sont-ils définitifs ?


S.A. : Pendant les répétitions, j’écris des textes le matin. Ils sont ensuite travaillés sur scène l’après-midi et le soir. En fonction de ce qui s’est passé, je recommence le lendemain pour corriger les textes existants ou en proposer d’autres.


Est-ce la même chose avec la musique ?


S.A. : Oui, c’est la même méthode. Nous pouvons toujours tout changer jusqu’au jour où l’on fixe les textes, le jeu et la musique. Nous devons trouver le moyen de réaliser un tout avec ces éléments divers.


Comme dans beaucoup de contes pour enfants, votre univers est assez sombre, dur, parfois même violent. Est-ce en référence à ces contes que vous avez imaginé la présence d’un loup ?


S.A. : Nous avions imaginé la présence de plusieurs animaux, mais ils ont été supprimés au fur et à mesure des répétitions. Le loup, ici en Angleterre, est le symbole de la pauvreté. Il y a un dicton qui dit : « Il faut garder le loup de l’autre côté de la porte », c’est-à-dire qu’il faut l’empêcher de rentrer car sinon, il va vous ruiner et vous ne pourrez pas boucler la fin de votre mois…


P.B. : Le loup est un animal fantasmatique, à plusieurs niveaux de signification. Il est donc toujours très utile dans les contes.


Une de vos bandes d’enfants s’appelle « les racistes »…


S.A. : C’est à cause de quelqu’un que j’ai connu : un raciste décomplexé, genre vieux style anglais, habillé comme dans les années 50, membre de la Ligue de défense de l’Angleterre, qui ne voyait quasiment jamais un immigré puisqu’il ne quittait pas son petit village dans lequel il n’y avait pas d’étrangers. Nous croyons qu’il faut parler de ce sujet, même, et peut-être surtout, aux enfants puisqu’il fait partie de la réalité de notre société.


P.B. : Nous présentons cette bande d’enfants d’une façon assez comique, un peu ridicule, l’humour étant selon nous l’une des armes les plus puissantes pour combattre ce type de maux.


Votre théâtre s’inscrit donc dans le monde d’aujourd’hui, même si son esthétique fait appel à des éléments du passé…


P.B. : Notre spectacle est avant tout distrayant et nous ne privilégions pas un quelconque message politique. Mais évidemment, nous parlons du monde qui nous entoure et, en ce sens, nous exprimons notre vision qui, elle, est forcément politique. En fait, c’est seulement à la fin de notre travail que nous avons vraiment pris conscience du fait qu’il y avait ce qu’on peut appeler un « message politique » et cela nous a questionnés. Alors, nous avons repensé à Bertolt Brecht et nous avons assumé ce regard engagé. Nous pensons, comme lui, que l’on peut être à la fois subtil et clair pour dire ce que l’on pense.


S.A.: Au début, nous ne savions pas ce que nous faisions exactement, en dehors du fait de faire un spectacle divertissant selon nos propres critères. La relation que nous entretenons avec notre public est très importante. Nous voulons que chacun puisse comprendre. Cela ne signifie pas que nous ne sommes pas exigeants vis-à-vis de nos spectateurs. Plutôt que de leur asséner un message, nous voulons les entraîner dans un univers divertissant, qui les fasse rire.


Vous parlez de divertissement, mais votre spectacle n’est pas très gai, surtout à la fin.


P.B. : En fait, au début de ce projet, nous avions imaginé deux fins : une fin positive, optimiste, et une fin pessimiste, entre lesquelles le public pouvait choisir. Comme nous avons remarqué qu’il faisait toujours le choix de l’optimisme, nous avons supprimé la possibilité du choix et nous avons imposé une fin pessimiste, selon nous plus édifiante. D’ailleurs, ce n’est pas vraiment une fin, je dirais plutôt que c’est une chute…

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.