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Splendid's

+ d'infos sur le texte de Jean Genet
mise en scène Arthur Nauzyciel

: Note d'intention

Danse de mort sensuelle et spectrale, la pièce est comme la version métaphysique d’un film de James Cagney, un film noir traversé par des fantasmes baroques et queer.


L’action se passe au 7e étage d’un hôtel de luxe, le Splendid’s, pris d’assaut par un groupe de sept gangsters. Ils ont avec eux en otage la fille d’un millionnaire, « accidentellement » étranglée par l’un d’eux. L’hôtel est cerné par la police qui hésite à intervenir pour ne pas mettre en danger la vie de l’héritière. Faire croire à la police que la jeune femme est toujours vivante est la seule carte à jouer pour repousser l’imminence de l’assaut. Afin de gagner du temps dans cette course fatale contre la mort, Johnny, un des gangsters, s’habille avec la robe de soirée de l’otage. Il se présente alors au balcon, brillant des mille feux des bijoux et parures de la défunte. Dans l’attente d’une mort programmée, la vie de ces hommes ne tient qu’à un fil : un simulacre qui se joue aux yeux du monde, et sous le regard fasciné d’un huitième homme, un flic prêt à trahir les siens, et qui les a déjà rejoints, au dernier étage du Splendid’s Hôtel.


SPLENDID’S, pièce de Jean Genet, inconnue jusqu’en 1993, a d’abord été envoyée par l’auteur à son agent américain. Il l’écrivait alors qu’il terminait son grand livre sur le monde carcéral, LE MIRACLE DE LA ROSE. Elle fut terminée en 1948, louée par Jean-Paul Sartre qui la considérait encore meilleure que LES BONNES, et par son agent et traducteur américain, Bernard Frechtman. Ne désirant pas, à ce moment-là, voir sa pièce mise en scène, Jean Genet, ne supportant plus les pressions de ses amis, déchira le manuscrit sous leurs yeux. Pourtant, une copie fut trouvée dans le coffre de son éditeur Marc Barbezat, et miraculeusement, la pièce survécut à son auteur.


L’envie de mettre en scène SPLENDID’S est là depuis longtemps. Depuis JULIUS CAESAR en 2008. C’était mon quatrième spectacle aux États-Unis. J’avais envie de continuer à travailler avec cette équipe d’acteurs américains, et les partenaires artistiques avec lesquels ce spectacle a été conçu : le décorateur Riccardo Hernandez, l’éclairagiste Scott Zielinski. Depuis, avec eux, j’ai mis en scène, entre autres, JAN KARKSI et LA MOUETTE.
Il me semble qu’aujourd’hui SPLENDID’S est le prolongement du travail fait sur ces trois créations. Un certain type de travail sur le texte, le corps, l’espace. Et l’envie de poursuivre une recherche esthétique entre théâtre et cinéma, qui brouille les frontières entre rêve et veille, réel et illusion. SPLENDID’S est comme une mutation de certaines scènes de JULIUS CAESAR. Les gangsters de SPLENDID’S sont les descendants des sénateurs, la même mélancolie, la même fascination pour la mort, la même élégance.


Genet rêve fort en écrivant la pièce, il s’abandonne avec délectation à une imagerie hollywoodienne, il fantasme ses gangsters qu’il pare de glamour, de sensualité, et d’une douceur vénéneuse. Lui, le petit délinquant français homosexuel et orphelin qui sort de prison et s’engage en poésie, est comme le policier de la pièce qui, fasciné par la beauté et la danse de mort des bandits américains, rêve de les rejoindre, de devenir « comme eux », l’un des leurs. Et les trahira. C’est la rencontre de Sirk et Cagney vue par Genet. Ici le texte est comme un flux continu, qui évoque les enluminures médiévales, où les annonciations s’inscrivent en lettres d’or et tissent un fil d’un personnage à l’autre du tableau. C’est le dernier souffle de ces hommes qui respirent ensemble, à l’unisson, un seul souffle qui les relie tous. La parole se déploie et circule d’un corps à l’autre. Une tête et huit bouches. J’ai tout de suite pensé qu’elle devait alors se jouer en anglais. Comme un film sous-titré, où l’anglais devient la version originale. Cette inversion lui donne son sens. J’ai souvent mis en scène des textes français dans des langues étrangères, aux États-Unis mais aussi en Italie, en Norvège ou en Islande, puis présentés en France. Dans ce voyage de la langue, quelque chose du texte se révélait, le voyage devenait le processus de création qui venait en éclairer une dimension jusqu’alors enfouie. On entend autrement. On crée ainsi une nouvelle écoute. La pièce, en anglais, jouée par des américains, ces acteurs si physiques et habités, devient la matérialisation du rêve de l’auteur, une apparition.
SPLENDID’S est une pièce qui mérite bien son nom.

Arthur Nauzyciel

mars 2013

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