theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Sous la falaise »

Sous la falaise

mise en scène Nicolas Kerszenbaum

: Notes d'intention

Sous la falaise est une pièce douce et simple : la narration d'un amour qui commence bien, se poursuit mal et finit mieux, entamée à la croisée de deux histoires. La première histoire, c'est celle d'un couple d'amis, aujourd'hui : deux personnes qui s'aiment depuis longtemps, qui passent ensemble quelques jours en Normandie, et dont l'un, qui part marcher alors que l'autre reste lire à la maison, ne revient pas. La falaise sur laquelle il se trouvait s'est effondrée, et l'un est tombé, de vingt mètres. Alors qu'il est plongé dans le coma, l'autre veille, à l'hôpital, chaque jour, pendant six mois. Et quand l'un, miraculeusement, ressuscite, presque indemne, l'autre ne parvient pas à accepter cette résurrection, et confie à ses amis : « j'aurais préféré qu'il meure ».


La seconde histoire, c'est le mythe d'Orphée, transmis par Ovide :
Orphée aime Eurydice, Eurydice se suspend dans la mort, Orphée se retourne, et Eurydice meurt pour de bon.
Orphée pleure, apitoie les pierres, les rivières et les arbres ; Orphée s'insensibilise au monde.
Quand des Bacchantes – des prêtresses de Dionysos – tentent de le séduire, Orphée les repousse ; les Bacchantes lui arrachent alors la tête, et, roulée dans le flot du fleuve, la tête continue de chanter.


Sous la falaise se construit à partir de ces deux histoires. Apparemment contradictoires, elles se croisent à l'endroit d'une inadaptation au monde, s'enroulant autour de cet homme qui ne sait plus rien, sauf regarder en arrière, refusant d'embrasser le monde qui s'offre à lui, sacrifiant le présent, replongeant chaque jour, à nouveau, dans son passé.


Là où Sous la falaise bifurque du mythe, c'est en lui faisant cette légère infidélité : que se passerait-il si Eurydice revenait, mais qu'Orphée ne pouvait accepter ce retour ? Que se passerait-il si, Eurydice revenue depuis longtemps à la surface, Orphée continuait à scruter derrière lui, dans la jouissance d'une perte qu'il ne souhaiterait pas combler ? Que se passerait-il si Orphée préférait l'Eurydice d'avant, la morte, à celle qui lui est rendue ?


A partir de cette histoire un peu triste, à partir de notre propension idiote mais humaine et inévitable à préférer la mélancolie à la vie, le spectacle se condense dans une rêverie à la fois grave et légère, triste et drôle.


Sous la falaise parle d'un couple d'aujourd'hui : du merveilleux et de la peine qui ponctuent une relation amoureuse, des persévérances et des lâchetés qui la jalonnent. Sous la falaise est une divagation amusée et musicale, fidèle au plaisir léger que l'équipe à éprouvé à raconter cette histoire, à travailler cette trame directement narrative, et à bâtir ce spectacle, fait, à poids égal, de textes et de musique – l'émotion se déployant à l'intersection des deux.


Sous la falaise s'est construit très simplement lors de deux résidences effectuées au Château de la Roche-Guyon ; à partir de conversations entre acteurs, musiciens et auteur, des situations ont été esquissées, un texte a été écrit, une musique composée, des personnages traversés. Puis de nouvelles discussions, et un ouvrage remis sur le métier jusqu'à une ébauche de consensus, et de satisfaction. La création a avancé pas à pas, dans une grande douceur – et c'est de cette douceur-là que naît ce spectacle astringent. Un travail collectif, tout simple, enfantant tout simplement une histoire d'amour, de deuil et de résurrection.


Sous la falaise est dès lors bien sûr un spectacle qui prend pour référence Ovide et Euripide, qui les cite, même – mais c'est néanmoins un spectacle populaire, pauvre, sans grands effets, et qui parle à chacun. Sous la falaise résulte d'un travail d'épure autour d'un texte, de trois acteurs et de deux musiciens, qui inventent au fur et à mesure leur propre chant, une heure durant, et déploient, grâce à leur présence, ce poème d'amour, avec fluidité, légèreté et ironie.


Car Sous la falaise est écrit comme un chant d'amour, un chant d'amour qui ne trouverait pas exactement sa cible, un chant d'amour pour l'amour, ou pour la vie, une parenthèse d'une heure dans le monde, un havre tranquille et serein : la narration, aujourd'hui, d'une histoire d'amour compliquée mais qui finirait bien, une histoire simple d'un bonheur qui l'est moins.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.