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Sakinan Göze Çöp Batar (c’est l’œil que tu protèges qui sera perforé)

Christian Rizzo ( Conception )


: Entretien avec Christian Rizzo

Propos recueillis par Stéphane Malfettes, le 26 octobre 2011

Point de départ


Ce solo est né du désir de me remettre à danser. Mais ce désir s’est vite révélé paradoxal car plus les idées me venaient, plus je me rendais compte que je n’avais pas du tout envie de les réaliser moi-même. Dès lors que j’ai compris que ma place n’était pas sur scène, j’ai pensé à Kerem Gelebek, danseur qui a participé à plusieurs de mes spectacles depuis sa sortie du CNDC d’Angers. Pour qu’il puisse prendre ma place, je lui ai transmis ce que j’étais en train de chercher. Je l’ai vu s’emparer des matériaux que je lui soumettais : cette mise à distance a ouvert de nouveaux horizons.


Par procuration


Je reconnais dans Kerem quelqu’un que j’ai pu être il y a plusieurs années : sa façon de bouger et d’occuper l’espace, sa silhouette, son maintien, ses postures. Juste avant la présentation publique d’une première étape de travail, j’ai poussé le mimétisme jusqu’à lui demander d’enfiler mes propres vêtements. Avec lui, j’ai l’impression de me projeter dans un solo par procuration. Je lui demande d’ailleurs de revisiter des actions que j’ai pu accomplir moi-même dans d’autres spectacles : déplacer des objets, s’allonger au sol, s’asseoir à une table…


Série d’études


Ce spectacle composé en plusieurs séquences spécifiques pourrait être présenté comme une série d’études, à la manière des arts graphiques : étude pour homme dans un coin, étude pour homme avec une table, étude pour homme avec une plante verte. Dans ce face à face avec le corps d’un autre, je cherche des principes physiques que je ne peux pas explorer avec un groupe de danseurs. La forme du solo est pour moi un véritable laboratoire chorégraphique. J’ai le sentiment d’organiser de la pensée en mouvement.


Exil à soi-même


L’histoire personnelle de Kerem – qui a quitté son pays, la Turquie, pour venir danser en France et s’installer à Berlin – m’a révélé l’enjeu profond de ce solo : mettre en scène le sentiment de l’exil. Le fait qu’un autre corps s’approprie ce que j’avais initialement prévu d’accomplir m’a de fait placé dans une situation d’exil. Avec cette création, l’exil dont il est question n’est pas tant géographique ou politique qu’existentiel. Il s’agit d’une sorte d’exil à soi-même emprunt de mélancolie.


Une condensation


Je tiens beaucoup à ce que la personnalité de Kerem transparaisse à travers ce solo. C’est pourquoi j’ai conservé en version originale le titre qu’il m’a proposé. Cette expression turque signifie littéralement : « c’est l’oeil que tu protèges qui sera perforé ». Autrement dit, c’est quand on se tient trop sur ses gardes que le pire finit par se produire. Cette formule a une valeur quasi-programmatique, elle s’adresse au public comme un résumé ou plutôt une condensation de mon esthétique : regardez juste ce qui arrive et tout se passera bien.

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