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S.P.R.L.

mise en scène Jean-Benoît Ugeux

: Entretien avec Jean-Benoît Ugeux

Théâtre de la Place - Quel est le point de départ de votre travail dans la création « S.P.R.L. » ?


Jean-Benoît Ugeux – Je suis parti de l’idée que, de nos jours, il est de plus en plus difficile de faire la distinction entre sphère privée et professionnelle. Les professions demandent, quel que soit leur domaine, de plus en plus de souplesse, de flexibilité. Même si cela apparaît plus clairement au niveau du management, ce constat dépasse le domaine de la haute finance. Comment ces deux sphères s’influencent-elles ? Comment ces deux univers se dévorent-ils ? Aujourd’hui, on n’arrive plus à tracer la frontière entre les deux. Tout le texte est écrit en fonction de cela.


TDLP - Quelques mots sur l’histoire ?


J-B. U. - Un jeune homme présente sa petite amie à sa famille. Mais cette réunion familiale ressemble davantage à une entreprise. Dans un énorme salon, c’est tout le code du langage entrepreneurial qui s’exprime. Cela tourne presqu’à l’entretien d’embauche. Au fur et à mesure du spectacle, le vrai visage de chacun se dévoile. On assiste alors à une révélation lente et sournoise d’un foyer qui se comporte comme une société. Le père fait figure de patron, la mère de gestionnaire du budget. Et la jeune fille se verra, au final, mangée par le système, coulée dans le moule. Elle finira même par réaliser un « audit » et par faire sortir son beau-père.


TDLP - La métaphore carnivore semble être un fil rouge dans votre discours…


J-B U. - Oui, l’idée étant que ces univers se « bouffent » l’un l’autre, se gangrènent, se dévorent.


TDLP - Comment traduisez-vous cela sur le plateau ?


J-B. U. - Dans ma mise en scène, je réalise un travail important sur les couleurs et le bruit. L’eau sera très présente sur le plateau, avec un grand aquarium. Métaphore du flux qui donne la vie, nourrit, alimente et, dans le même temps, peut dévaster et engloutir, l’eau traversera le spectacle – le fils se faisant d’ailleurs noyer par son père. Le jeu est réaliste, a priori. Mais laisse des flous, des zones d’ombres.


TDLP – Une façon de ne pas désigner clairement ce qui est bon ou mauvais ?


J-B. U. – Oui, « S.P.R.L. » consiste en une parabole qui reste ouverte. Je ne veux surtout pas faire un théâtre où l’ennemi avancerait découvert, où j’affirmerais que l’argent est seul responsable de cet état des choses. Tout le monde participe à la machine, devient à la fois bourreau et victime du système. La question de la responsabilité est centrale : chacun, à son niveau, se renvoie la balle. C’est toute l’ambivalence des personnages. La pièce oscille entre les faces humaine et sombre de chacun, entre un rapport intime et froid au public. Tout le défi de « S.P.R.L. » se situe là : se balader entre les mécanismes humains, les disséquer.


TDLP - Dans « Hansel et Gretel », déjà, vous mettiez en scène la famille, ses noeuds, ses failles. Ce thème revient à nouveau ; est-ce l’une de vos sources d’inspiration principales ?


J-B. U. – La cellule familiale m’intéresse au plus haut point, en ce qu’elle est l’endroit d’où tout part. La famille lie tout le monde puisque chacun en possède une. C’est l’endroit le plus fécond, le plus fertile. La structure est connue de tous et j’en fais souvent le point de départ de ma réflexion, mon lieu d’observation.


TDLP – Lier la famille au monde de l’entreprise : est-ce un projet que vous portez depuis longtemps ?


J-B. U. – C’est un thème qui s’est imposé à moi, avec ce qu’il comporte de cynisme. Je ne connais pas le milieu de la haute finance, par ailleurs très peu représenté dans les formes artistiques. Or le management a quelque chose à voir avec nous, avec la vie privée, avec les jeunes d’aujourd’hui. C’est après avoir vu « Les Marchands » de Joël Pommerat et « Unter Eis » de Falk Richter que je me suis lancé dans ce projet.


Théâtre de la Place, décembre 2008

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