Tout d'abord les choses (lumières, objets, sons, espaces...) se désirant entre elles en présence de l'acteur qui les contemple et les écoute.

Puis, c'est l'espace qui demande à l'acteur un récit physique pour y voir ses propres images, tel l'enfant qui demande une histoire à sa mère pour s'endormir.

Celles-ci apparaissent dans le désordre factice de leurs naissances
(surgissements de faits parfaitement structurés par l'"état d'amour" latent du plateau et des acteurs). Plusieurs personnes les guettent et les recueillent (l'acteur/auteur mais aussi les autres acteurs). C'est dans cette attente, qu'il faut surtout bien orienter notre attention et anticiper, qu'objets, espace et acteurs vont parler progressivement le même langage...

D'abord l'acteur transforme l'espace au moyen de l'objet. Il regarde en lui-même à travers ce qui se tient devant lui.

Puis le réalisateur "en vigie" observe ce couple et l'éclaire.
L'action qui se déroule commence à sécréter un lieu nécessaire.
Face à cela, sans début ni fin, reconnaître des événements, les nommer presque. Par le montage, le mixage, l'étalonnage..., on modifie alors la nature et la qualité des relations "naturelles" de ce milieu, comme un écrivain le fait avec les mots pour mieux entendre en lui un texte ou un peintre avec les couleurs pour tenter d'approcher ses visions.

C'est un travail que l'on peut rapprocher de la peinture :
apercevoir une forme, distinguer des objets et des sujets dans ce qui se farandole devant nous puis commencer à les manipuler.

Faire sortir une vision d'un objet, un rêve d'un morceau de bois, une hantise d'un acteur, un récit du passé, un acte ancien du présent, une dramaturgie d'une couleur, un seuil d'une température, une lumière d'un son.

De tels palimpsestes continus ne peuvent se concevoir au préalable.

L'improvisation est arrêtée quand elle commence à "vouloir dire",
quand elle tend à signifier, "...c'est la grammaire qui recommence à écrire ses phrases".

Pour Rondes de nuit, le documentaire que forme le travail (des improvisations) et les fictions qui progressivement en émanent seront mises à contribution côte à côte et tricotées d'une maille serrée.
Cette nouvelle expérience devrait être d'autant plus fertile qu'elle s'effectue au sein d'une grande liberté thématique et d'un rapport privilégié pour chacun des acteurs avec son passé.

C'est un spectacle qui se construit face aux ombres de l'enfance et aux "absences des premières années".

Un travail lucide doit pouvoir différer la reconnaissance des fables ou des sujets qui se faufilent vers nous pendant les improvisations. Pour Rondes de Nuit, ceci devra être poussé jusqu'à la phase ultime de montage.