Pourquoi faire ? Beaucoup aujourd’hui n’en voient plus la nécessité.

Pourquoi sommes-nous devenus incapables de transmettre l’intérêt de faire connaissance avec ces auteurs ? Leurs textes ont traversé l’histoire, survécu aux événements les plus déterminants. Ils ont été prononcés par des milliers d’acteurs, orateurs, amateurs, ils ont été mémorisés par des milliers de cerveaux, ils ont empli la bouche, fait vibrer la voix de milliers de femmes et d’hommes...

Ils ont permis aux larmes de couler, aux rires d’éclater, allégeant le coeur du Roi et jusqu’à son plus simple sujet, tous unis dans l’émotion et la jubilation, retenant ensemble leur souffle, ces amants malheureux qui se sont consolés au fil des siècles grâce à Racine, ces soldats sur le front qui ont trouvé leur courage dans les vers de Corneille, nous tous enfin toujours hilares aux ressorts comiques de Molière… L’académisme, un certain élitisme et parfois le ringardisme sommaire les ont frappés. Condamnés.

On constate que ces tragédies, ces comédies classiques ne correspondent plus à notre monde moderne et numérique, ne s’adressent plus à nos élèves pressés par l’urgence des résultats, l’efficacité des études, en particulier nos élèves des zones dites sensibles, déjà bien occupés à dompter la langue française toujours en mouvement, stimulés par des propositions interdisciplinaires qui participent parfois à la confusion générale.

L’homme parle à l’homme. Et ce langage toujours vivant aujourd’hui, nous avons le devoir de continuer à le partager. Nous avons le devoir de ne pas laisser l’ennui ou la désuétude envahir cette parole.

Je propose d’en finir avec les légendes qui ont figé ces auteurs sur un piédestal lointain. Leurs vies ne nous concernent pas parce qu’elles n’existent pas pour nous. Les sujets de leurs tragédies sont archaïques et ne trouvent plus d’échos dans notre actualité… nous croyons ne plus savoir les déchiffrer, alors qu’elles éclatent d’évidence. C’est une question d’angle de vue.

Le XVIIème siècle garde ses obscurités. Cependant des documents voient le jour et révèlent des mystères insoupçonnés. Le grand siècle, c’est l’époque des emprunts, le culte du manuscrit n’existe pas encore, celui de la propriété artistique non plus. Il faut attendre Beaumarchais le siècle suivant pour que les droits d’auteur régissent les productions.

Et si Corneille, Molière, Racine ne nous avaient pas encore tout dit ? Leurs vies, leurs amitiés, leurs querelles, leurs intérêts politiques et financiers pourraient nous être familiers plus encore que nous l'avions imaginé.

Corneille, l’homme de l’ombre qui ne sort plus de chez lui parce qu’il est un piètre lecteur et la risée de ces dames qu’il affectionne pourtant tellement. Combien de commandes inavouables a-t-il accepté dans l'ombre ? Vengeances et revanches… Intérêts financiers… Plaisirs solitaires...

Molière, l’homme de la lumière, directeur de troupe, acteur génial, bon vivant toujours en parade à la Cour, au lever jusqu’au petit coucher et toutes les nuits à l’auberge, combien de temps a-t-il pu consacrer à sa production écrite ?

Racine, l’homme double, théâtre et histoire, officialisé historiographe du Roi quand sa passion est à l’écriture théâtrale, combien de tragédies secrètes cache-t-il sous son habit de courtisan de la Cour ? Combien de reniements, de trahisons, d'amours sacrifiées ? Lui qui dormait jusque dans la chambre royale, appelé à lire à toute heure au chevet de son grand Louis XIV, l'égal de Dieu sur terre ?

Riche des toutes dernières découvertes mises à jour par les recherches aux Archives et les lectures récentes des spécialistes, je propose un nouvel éclairage.
L’ enquête est passionnante, les personnages vibrants, proches, drôles et touchants à la fois.

Corneille, Molière et Racine sont les héros de nos temps modernes.