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PinKpunK CirKus

+ d'infos sur le texte de Joël Jouanneau

: Pourquoi j’écris pour les enfants

Évidemment je n’écris pas pour enfants, évidemment non, ou alors, le disant, je me mentirais, puisque cela n’existe pas, pour moi, les enfants, c’est même peut-être contre cela que j’écris, ce pluriel faussement rassembleur et de fait très cavalier, et c'est sans doute afin de préserver leur singulier que je me plais à les imaginer isolés dans les théâtres, regardant la scène, et personne à leur droite, et personne à leur gauche, nul appui, un fauteuil sur quatre, un rang sur quatre, seuls comme jamais, c’est ainsi, oui, que j’aimerais qu’ils soient, toujours dans les théâtres, et bien entendu les bras croisés, et l’index sur la bouche comme il se doit, et on se tient droit, désir de fou furieux qu'on peut certes apparenter au cachot, mais me sentir seul dans le noir avec pour seule compagnie le vaste monde éclairé par les rampes du plateau, un peu dans la position du souffleur dans son trou, il me semble que oui, enfant j’aurais aimé cela, quand bien même la peur se serait assise à mes côtés.


Non, on ne peut pas tout dire aux enfants ils n'aiment pas, ils savent bien eux que ça ne se peut pas, que tout dire ne veut rien dire, que c'est un mensonge tout dire, rien qu'une bêtise, et non encore, écrire pour eux ce n'est pas comme écrire pour les grands, c'est bien mieux, ça du moins je peux le dire, même si c'est souvent plus difficile au demeurant, l'enfant ne se laissant pas oublier quand je lui écris, la grande personne si. Elle, lui écrivant je peux m'en passer, et même je ne lui écris vraiment que si, le faisant, je n’ai aucun autre destinataire dans la tête, mais l'enfant lui, est toujours là, s'impose, se rappelle à moi dès que je le fuis, me disant tout haut « Pourquoi tu me fuis ? », il n'aime pas, aime moins encore au demeurant que je me prenne pour lui, que je fasse semblant, c'est comme grande personne qu'il veut que je lui écrive, ne souhaitant d'ailleurs pas pour autant que je lui signifie comment il doit vivre, s'il doit mettre son index ou le pouce dans le nez pour le curer, il n'a pas besoin de moi pour ça, il veut savoir tout simplement qui j’étais moi enfant, et comment je m’y suis pris pour grandir, oui comment tu t'y es pris, toi ? me demande-t-il, c'est le comment qui l'intéresse, car pour ce qui est du pourquoi il sait qu'on n'a pas le choix si on veut pas mourir tout de suite on peut pas faire autrement, et quand je lui écris comment j’ai fait jusqu'à aujourd'hui pour me tenir debout et additionner toutes ces rides et ces cheveux blancs, ce que j’aime bien, c'est que je fais chanter au clavier les 26 lettres de l'alphabet.

Joël Jouanneau

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