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Philoctète

mise en scène Jean Jourdheuil

: Note d’intention

Ulysse et Philoctète sont deux figures de la guerre de Troie, deux héros qui se connaissent très bien. Philoctète a été exilé par les chefs grecs sur l’île de Lemnos. Ulysse est responsable de cet exil. Or il se trouve que pour finir la guerre de Troie les Grecs ont besoin de Philoctète et de l’arme absolue qu’il détient : l’arc et les flèches d’Héraclès. Voilà pourquoi Ulysse, accompagné par le fils d’Achille, Néoptolème, arrive sur l’île de Lemnos pour récupérer Philoctète (avec l’arc et les flèches) et le ramener devant les murs de Troie.


La pièce montre, expose le combat mental (et potentiellement physique) de ces deux «héros» qui se connaissent sur le bout des doigts. Néoptolème est l’arme qu’utilise Ulysse pour attraper et coincer Philoctète. Mais cette arme va se trouver devant un dilemme : tous les moyens sont-ils bons pour attraper et coincer Philoctète. Le tout tourne à la catastrophe là où, chez Sophocle, il y avait un happy end après une intervention divine d’Héraclès (que Müller supprime).


Le contexte
Le théâtre de Heiner Müller a été écrit et représenté à l’époque de la guerre froide, de la division de l’Allemagne, du mur de Berlin. Ce contexte a pesé sur la réception de l’oeuvre de Heiner Müller, l’a inscrite dans le système d’oppositions de l’Allemagne divisée.
Aujourd’hui, vingt ans après la chute du mur, le contexte a changé, l’Allemagne est réunifiée, l’Europe a inventé l’euro, les massacres n’ont pas cessé. Le théâtre de Heiner Müller apparaît désormais dans un autre contexte, il accède à ce ciel de la littérature que nous foulons de nos pieds cependant que le monde se recompose autrement. Les oeuvres de Brecht, Beckett, Genet et Müller forment aujourd’hui une constellation qui condense le XXe siècle. De son «Philoctète » beckettien Heiner Müller a dit un jour qu’il était «le négatif d’une pièce communiste».


Un palimpseste
Ce «Philoctète» n’est pas une adaptation de la pièce grecque mais un palimpseste qui efface et recouvre l’oeuvre première, et la laisse transparaître par instants sur le mode de la radiographie. Bacon et Picasso ont procédé ainsi avec des tableaux de Velasquez. Le vers müllérien, habité par des tensions contraires, n’est pas un vers grec ou néo-classique.


Un «Philoctète» sans Dieu(x)
Dans ce «Philoctète» il n’y a pas de choeur, pas de deus ex machina, pas d’apparition d’Héraclès pour rendre possible le happy end final. C’est un «Philoctète » sans Dieu(x). Heiner Müller ne rivalise pas avec Sophocle, il détruit, démolit, déconstruit le modèle tragique des philosophes allemands qui, à l’aube du XIXe siècle, ont inventé la Grèce des Allemands qui devait faire pièce à la Grèce de Racine et des Français. Le «Philoctète» de Heiner Müller brise et fait saigner la statuaire grecque implicite dans l’interprétation de Hegel (dans «Esthétique»).

Jean Jourdheuil

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