Passe s’inscrit dans la recherche que je mène autour des « écritures du réel ». Ce spectacle est l’aboutissement d’une réfexion sur la manière de travailler à partir de matériaux tirés de ce qui nous entoure. Le texte du spectacle est issu de la retranscription précise de l’échange entre un client et une prostituée, un soir, à Lausanne. Les moindres hésitations, comme les silences sont conservés et constituent la partition des interprètes.

À partir de cette méthode « verbatim », j’espère déceler une parole très intime, à la limite de la pudeur. Une parole fragile qui hésite, qui se cherche et se dévoile. Je suis en quête des mots et des silences qui nous échappent, qui tentent de combler des situations impossibles, qui ne sont pas – pourrait-on dire – à la hauteur de ce qui se passe. Cette parole qui tente vainement de sauver les rapports invisibles entre les êtres en donnant l’impression de maitrise, grâce au symbole des mots. Une parole qui dialogue donc avec un langage non-verbal.

Cette partition, une fois sur le papier, est la base d’une nouvelle écriture au plateau, qui s’écarte du réalisme de la situation vécue. Elle devient support à imaginaire. Les corps ne se plient pas à la situation originale mais déploient d’autre possibles. Ils se meuvent librement dans le but de toucher ce qui constitue une part essentielle de notre être. Ici, la question du désir, du fantasme, de la puissance et de l’impuissance. Les trois danseurs avec qui nous avons travaillé participent à la réécriture de ces matériaux.

À partir de ce rapport sexuel tarifé assez banal, je voulais toucher plus largement la question de la prostitution et de la sexualité. Aborder ces questions loin des clichés qui les environnent mais à partir de détails concrets, et construire à partir de ces détails, un imaginaire singulier. Partir d’une expérience très précise pour questionner des rapports fondateurs des êtres humains.

Passe est une expérience très importante pour moi. Ce projet constitue une première pierre sur laquelle je compte m’appuyer pour en poser d’autres.

Jean-Daniel Piguet