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Onanisme avec troubles nerveux chez deux petites filles

mise en scène Jean-Michel Rabeux

: Raconter l’irracontable.

Ce que je me propose de faire aujourd’hui, c’est de citer dans tous ses détails un cas fort curieux d’onanisme chez deux petites filles en bas âge, vice que je n’ai pu extirper radicalement, malgré les moyens les plus variés, et parfois les plus violents, que j’ai mis en usage.
Démétrius Zambaco


J’ai trouvé ce texte par hasard. un article dans « le monde » en rendait compte. Je l’ai acheté. Je l’ai lu. J’ai jeté le livre à travers la pièce. Pour mettre en scène des textes qui n’ont rien à voir avec le théâtre, il faut une raison forte. J’en avais une : la haine. en allant rechercher le livre par terre, je me suis dit que je ferai un spectacle avec ça, ma haine. la tranquillité clinique du Docteur Zambaco, sa certitude presque souriante qui le mène aux plus violents sévices, me semble être à peu près le pire de ce qu’a engendré notre culture.


Claude Degliame et moi avons mis deux ans pour trouver comment ce pire pouvait se dérouler devant des spectateurs. en tâtonnant nous avons inventé une sorte de personnage, un fantôme, un ersatz : une des deux petites filles martyrisées qui, des années plus tard, vient raconter cette histoire irracontable. nous avons inventé une situation : elle parle au public, timidement, délicatement, avec difficulté, comme elle parlerait à un aréopage médical, ou à ses enfants qu’elle n’a pas eu, ou à ses codétenues d’un hôpital psychiatrique, ou à des morts comme elle. ceci est laissé libre. elle est tout près des gens, au milieu d’eux, dans la même lumière. la « magie » du théâtre n’est pas utilisée. ses mots sont ceux du docteur Zambaco. Plus quelques-uns des miens, accolés. Pour permettre à claude, et aux autres à qui elle parle, de reprendre souffle, de dialoguer avec le texte : on ne dialogue pas avec Zambaco.


Nous avons joué ce spectacle déjà. et puis claude n’a plus voulu, ou n’a plus pu. les cauchemars, les fous rires. enfin, plus tard, beaucoup plus tard, l’envie – mystérieuse – d’y revenir. Pourquoi ? Pour que ce soit dit. Pour que ça ne sombre pas dans l’oubli. Pour que ça ne recommence pas, que ça cesse. avez-vous vu shoah ? ce coiffeur de shoah, rescapé des camps, qui raconte l’inimaginable et qui soudain se tait, ne peut plus. et lanzmann qui lui dit doucement : « continuez, vous savez qu’il faut continuer à raconter ». après un temps, très long, terrible, il continue. claude continue, c’est son métier.


Jean-Michel Rabeux, texte écrit en 1988

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