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Moi, Michèle Mercier, 52 ans, morte

+ d'infos sur le texte de Marie Henry

: Nos partis pris…

Le texte


Moi, Michèle Mercier, 52 ans, Morte est une commande que nous avons passé à Marie Henry. Nous lui avons demandé de composer trois histoires. Le but de chacune est de désigner un assassin potentiel de Michèle Mercier : trois histoires, 3 théâtralités et donc trois points de vue . Marie Henry a écrit un matériau brut, des partitions d’acteurs à la fois vivantes, brutes et physiques. Et ceux dans trois registres différents :


Steve et Mana.
On ne sait pas à qui ils s’adressent, au policier, au public, à eux mêmes, à l’autre ? Ils exposent chacun leur point de vue sur la disparition de Michèle Mercier. Pour Steve, sa mère serait victime d’une machination orchestrée par Stéphane Lambert, son nouveau mari. Pour Mana, Michèle Mercier serait morte d’une fin « bien moins tragique », d’une cirrhose aigue.
Steve et Mana finissent par se décrire mutuellement, ils ne parviennent pas à construire un dialogue « organique ». Le commentaire de l’un sur l’autre anéantit peu à peu leur prise de parole, se résumant alors à de la didascalie.Tout se joue dans le conflit, le frottement entre leurs deux pensées, leurs deux versions des faits. A la manière du Cluedo, les paroles fusent dans la maison, que ce soit « au salon », « dans la cuisine », « devant la porte vitrée ».... le vide les entoure, ils sont incapables de communiquer.


Natacha et Mélanie.
Elles sont les voisines de Michèle Mercier qui sont elle-même, comédiennes. Elles s’amusent à enchaîner des jeux où elles changent de rôle à l’envie. Elles incarnent alors les divers personnages de l’histoire et les font revivre pour la circonstance : Rita et Clara « deux pauvres filles bernées » par Michèle Mercier alias Michou Lambert, vendeuse de talismans porte-bonheur ; Michèle Mercier elle-même afin de trouver une réponse à l’énigme qui les intrigue tant. « Qui où quand comment pourquoi » Michèle Mercier a été assassinée…
Elles sautent du coq à l’âne, passent d’une forme à l’autre, sous un rythme soutenu et complètement schizophrénique. Les deux filles sont unies dans leurs pensées : elles ne font qu’une, ne possèdent qu’une parole, qu’elles se découpent, se lacèrent, se partagent. Leur parole ne s’entrechoque pas comme c’est le cas pour Steve et Mana, elle se lie au contraire, se noue, s’emboîte, fusionne. Qui est qui ? Qui dit quoi ? Schizophrénie, gémellité, double.


Gascard et Nathagie.
Ce sont les grands conférenciers de l’anatomie humaine, connaisseurs et amateurs de chair fraîche, professeurs de la dissection, qui lancent les pistes et font avancer l’intrigue policière dans un rythme effréné. Ils nous livrent leur version des faits en autopsiant, en direct, les restes de la victime.
Des rats sympathiques, aux allures de star, dévoilant des indices, échafaudant des théories et démontrant leur intelligence à travers un langage érudit, un langage en boucle.


Si chaque couple permet de faire avancer l’intrigue policière, en semant des doutes et des questionnements, il cherche cependant à l’assumer d’une manière singulière, avec chacun une théâtralité différente. Les partitions des couples finissent par évoluer vers une fragmentation de plus en plus importante, et vers une démultiplication de la parole de plus en plus affirmée.


Chaque couple tient à nous donner son point de vue sur les faits, des points de vue bien spécifiques qui se contaminent au fur du récit. Tous ensemble autour de la mort de Michèle, leurs rôles et points de vue, au fur et à mesure se confondent ; on ne parvient plus vraiment à savoir qui est qui -qui dit quoi, les points de vue s’entremêlent, se répondent, se font de plus en plus échos l’un à l’autre.


Au fur et à mesure des liens se construisent dans le texte, les points de vue se mélangent, se recoupent, s’additionnent et s’annulent tout à la fois, afin que le spectateur en vienne à s’interroger, et à chercher l’assassin présumé. Moi, Michèle Mercier, 52 ans, Morte est un jeu de piste où le spectateur doit combler les oublis des couples et réfléchir pour pallier aux manques.


La mise en scène


Moi, Michèle Mercier, 52 ans, Morte est composé de trois « histoires » qui ne se jouent pas les unes à la suite des autres mais en simultané. C’est-à-dire que les « histoires » s’intercalent entre elles. Par exemple, Steve et Mana commencent à prendre la parole pour être finalement coupés par Natacha et Mélanie qui sont elles-mêmes relayées par les rats (ainsi de suite…).


Découper « les histoires » est une manière d’accentuer la notion de point de vue mais aussi de mettre en lumière une notion chère au groupe toc, le frottement. Ainsi, nous mettons en résonance trois écritures différentes et donc trois théâtralités qui, par leur choc, amènent du jeu (au sens de ludisme), du chaos, de la perte. Cette notion de frottement permet de créer du décalage, de la rupture et du sens. Elle se retrouve dans chacun des matériaux scéniques utilisés par le groupe toc, à savoir le jeu, l’espace scénique, le son, la lumière.


Le jeu


Les comédiens ne créent pas un personnage au sens classique, avec un parcours linéaire et monolithique. Ils sont en rupture, en décalage. Ils utilisent les divers matériaux mis a leur disposition sur le plateau (le texte, les accessoires, le son…) pour fabriquer un univers qui s’invente et se réinvente à chaque instant. Les comédiens en adresse directe et immédiate avec les spectateurs, leur donnent à voir une partition, une histoire qui se met en place devant eux et donc avec eux.


Nous mettons en place des systèmes à jouer tant au niveau du texte, que de l’espace scénique et ce dans le but de créer un jeu sans incarnation qui se manifeste par une « physicalité » forte et ludique, faisant du théâtre un lieu concret et habité au présent.


L’espace scénique, le son, la lumière


Notre espace de jeu est le plateau du théâtre, son sol, ses murs… dans lequel nous amenons les éléments indispensables à la bonne compréhension de l’intrigue. Ainsi, comme les couples jouent à tour de rôle des segments de leur « histoire », nous avons créé un espace de jeu matérialisé par un sol en aluminium et un espace de retrait concrétisé par des chaises, là où les acteurs vont une fois qu’ils ont dit. L’espace de jeu en fonction de chaque partition sera tour à tour la maison de Michèle Mercier, le point de départ des jeux de Natacha et Mélanie, la cuisine des rats. Ces trois réalités finissent par se mélanger. Natacha et Mélanie finissent par jouer à Michèle Mercier dans son salon. Steve et Mana n’attendent même plus d’être dans l’espace maison pour parler et lancent leurs répliques des chaises. Les rats prennent peu à peu possession de tout le plateau. Les espaces s’entrechoquent, on ne sort presque plus du sol, on est tout le temps en train d’agir.


Le son, dans sa majeure partie, se fait en direct, soit pour soutenir le rythme des partitions, soit pour mettre en échos les ressemblances d’un texte à l’autre, soit pour bruiter une scène. Nous utilisons un orgue des années 70/80, des micros capteurs… Ils ne s’agit pas d’un matériel sophistiqué mais de sons qui, par ce qu’ils mettent en jeu, créent un autre niveau, un autre point de vue.


Les lumières vont dans le même sens. Elles cherchent parfois à mettre en place une atmosphère mais peuvent également agir directement sur l’acteur qui, par exemple, ne parlera que quand la lumière est allumée ou éteinte.


Du choc des trois textes, des diverses prises de parole, des espaces scéniques, des sons, naissent les véritables enjeux de la pièce. Un spectacle qui évoque l’humain, ses fragilités, ses peurs, ses regrets, ses amertumes, ses joies…
Des personnes fragmentées et complexes, se contredisant elles-mêmes ou entre elles, et de ce fait, ébranlant toutes convictions, tant et si bien que l’on ne reconnaît plus le vrai du faux. Nous sommes face à un monde à la dérive, en ébullition de trop plein ou de trop vide. Un monde qui chancelle à chaque prise de parole.

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