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Les Nuits sans lune

+ d'infos sur le texte de Véronique Olmi

: Véronique Olmi en V.O.

Par Stéphane Guex-Pierre

- mars 2003 - extraits

D'où vient ce goût pour le choc, pour le heurt, cette envie de titiller les choses sur le fil du rasoir, entre ce qui est bien et ce qui ne l'est pas ?


Si les auteurs servent à quelque chose, ce serait à cela. Chercher la limite entre le bien et le mal. J'ai beaucoup lu Dostoïevski, lu et relu, et c'est un auteur fondamental, car il a posé les seules questions universelles, éternelles qui nous préoccuperont toujours : quel est le bien, quel est le mal, quelle est la part de responsabilité de chacun, où est la rédemption, la culpabilité? Lui, il a brassé ces questions-là comme un géant, moi je le fais comme un grain de sable à côté du rocher. Pour moi, c'est cela l'essentiel.


Chez vous il n’y a pas de jugement ?


Ça m'énerve quand on tranche.


La scène la plus rock’n roll, dans Les Nuits sans lune , c’est sans aucun doute celle où Suzini (le détenu) bouscule Nathalie (l’infirmière)…


La scène du désir… Ce qui m'intéressait, c'était de montrer comment la prison pervertit les choses, donc pervertit le désir. Et c'est ce qu'il lui dit au début : "On serait dehors ça irait, comme on est dedans, t'as ta blouse, ça va plus". Parce que la prison introduit le danger. Finalement cela devient une scène de menace, la peur devient plus forte que le désir. Au début, c'est un peu animal, il y a un désir commun, puis cela bascule vers la provocation. Plus il la provoque, plus il a envie d'elle, plus elle a peur. Pourtant au début, c'est lui qui a raison : ils seraient dehors, il n’y aurait aucun problème. Souvent on me parle de "la scène du viol", mais ce n’est pas une scène de viol, c'est d’abord une scène de désir. C’est tout le propos de la pièce : la place du corps en prison. Il faut d’ailleurs un mec très bandant dans le rôle de Suzini. Ce qui ne veut pas dire beau, baraqué, mais un mec qui existe en tant qu'homme. Quand il se met torse nu, il faut que les gens soient extrêmement troublés, dans la salle. Il faut qu’avec ce type, on passe sans cesse de l’attraction à la répulsion, sinon c'est la énième pièce sur la prison avec le détenu frustré et c'est ennuyeux. Tandis que s’il y a des oscillations, un sentiment de danger, quelque chose d’indéfini et d’imprévisible… Le corps est très fragmenté ; on s'intéresse à des morceaux de quelqu'un, à son casier judiciaire, à son bras, mais il y a rarement la globalité. Ce que je voulais, c'est que ce soit aussi un travail sur le langage. Il y a le langage du corps et le langage parlé, oral. Ils s'interrompent tout le temps, les phrases ne se finissent pas, les phrases se comprennent mal. Il ne faut pas forcément jouer comme c'est écrit !


Ah bon ?! (Rires) Pour un auteur féminin, est-ce qu’il est plus difficile d’écrire des rôles pour les hommes que pour les femmes ?


Au début, je n'écrivais que pour les femmes, j'avais très peur d'écrire pour les hommes. Moi, je viens vraiment du matriarcat depuis les générations les plus absolues, et j'adore l'univers des femmes, j'adore les écouter, à tous les âges, je trouve cela d'une richesse infinie, et puis un jour je me suis dit qu’il fallait quand même essayer… J'avais un peu la pétoche de faire parler les hommes, alors j'ai écrit Le Jardin des apparences qui met en scène un vieux monsieur, que Jean-Paul Roussillon a magnifiquement interprété -ce rôle lui a d’ailleurs valu un Molière en 2002-… cela sonnait donc juste et m’a encouragée à continuer. Je me fais souvent attaquer, on me dit, dans les débats, « On voit bien que vous n’aimez pas les hommes ! ». C’est étrange. Peut-être est-ce parce que je les montre en état de faiblesse ? Mais c'est cela qui est beau, justement…


Je tente la question indiscrète… Vos pièces sont-elles autobiographiques ? Est-ce que Mathilde (de la pièce Mathilde), par exemple, vous ressemble ?


Si mes pièces étaient autobiographiques, j'aurais une drôle de vie…

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