: Note d'intention
Dieu a créé les grands-parents pour qu’ils meurent avant les parents.
Parce que les enfants aiment les répétitions générales. Et puis un jour on
devient papa et maman et nos enfants se marient et font des enfants. Nous
sommes entrés en répétition. Nous voulions interroger le plateau comme un
magicien. Nous avions un thème : la fuite des origines. Nous avons
improvisé autour, chaque acteur apportait avec lui son histoire, et proposait
des histoires. Nous nous sommes retrouvés — c’est de notre âge, de tous
les âges — emmêlés dans les tissus familiaux. La famille... première cellule
sociale — conflit théâtral par excellence. Nous nous trouvions assez peu
originaux finalement, comme un poète qui veut faire un poème sur le voyage.
Au début tout était très connu, cela allait des figures analytiques primaires —
rapports mère/fils, père/fille, castration, meurtre du père, OEdipe et tout le
tintouin — jusqu’aux faits divers — événement dramatique théâtral
publicitaire — inceste, pédophilie, enfants dans le congélo etc. Une oeuvre
de culture très connue et très vendable. Puis un matin de répétition nous
nous sommes dits qu’il nous fallait ignorer cette tendance et seulement
improviser ce connu pour le tirer vers l’inconnu. Cela ne veut pas dire
nouveau, nous n’avons pas cette prétention. Mais simplement que notre
arbre ne devait pas être celui qui cache la forêt mais plutôt un arbre qui
cache un grand désert tout blanc. Que quand bien même nous prenions un
point de départ très exploré (un jour de noces un père marie sa fille), il ne
serait qu’une porte — nous nous tenons sur le seuil au début du spectacle
— que nous ouvrons sur ce désert blanc, dans lequel toute fuite — une
tentative — est possible. Fuite imaginaire d’abord et avant tout et qui mène
doucement vers la mort, puisque c’est la seule chose dont nous soyons à
peu près sûrs. Ensuite le cheminement — parfois aveugle — fait le chemin.
Le sujet — quel est le sujet ? Qui est le sujet ? — devient une question
posée au travers de la forme, au travers de notre arbre. Comment
aujourd’hui jouer une famille ? Ça commence comme ça : ce sont les noces
de Lise et Léo. Le père de Lise s’est occupé du mariage. Il y a là aussi le
frère de Lise, Antoine, le meilleur ami de Lise, Pierre, le meilleur ami de Léo,
Lionel et sa femme, Caroline, Benoit, un présentateur de télévision, et
Samuel, un employé du père. Tout va bien comme au début d’une pièce de
théâtre classique. Puis tout va aller de moins en moins bien comme dans
une pièce de théâtre classique. La famille ça se passe toujours à l’intérieur,
c’est un conflit fatal. Il y a dans toute famille une espèce de désir narcissique
de régler tout avant la mort. Mais — et ce paradoxe en est la matière
théâtrale — mais donc de régler tout par le désir de mort. La pièce est
montée et démontée comme le jouet d’un enfant. Elle s’écrit, comme une
famille, de l’intérieur — ici pour nous sur le plateau en improvisation,
directement par le corps des acteurs qui font les rôles. Une écriture s’en
extrait petit à petit, oralement d’abord puis couchée sur le papier pour la
structurer mais jamais pour la fixer. Nous voulons arriver au jour de la
première en se laissant faire par la possibilité qu’un père ou qu’une mère —
ou plus encore un enfant — puisse mourir avant celui ou celle qui est au-dessus. Nous voulons nous laisser faire comme dans la vie vraiment par les
accidents. C’est également la direction que nous prenons sur la question du
jeu de l’acteur. Comment dans le présent du plateau faire du vivant — donc
du mourant — alors qu’il faut refaire, c’est-à-dire alors que c’est déjà mort.
Nous cherchons pour le jeu l’endroit du paradoxe. Un espace dans lequel
deux acteurs évoluent et qu’ils cherchent à déséquilibrer pour faire entrer le
jeu, l’accident, et qu’ils rééquilibrent en fonction du sens à dévoiler. Le Père Tralalère est une création collective.
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