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Le NoShow - Un show-must-go-on à tout prix

mise en scène Alexandre Fecteau

: Entretien avec Alexandre Fecteau

Dans vos créations, vous créez des cadres fictifs en référence à des réalités précises où vous entraînez acteurs et spectateurs à créer du réel. Pourquoi ?


Nous vivons dans une époque où les médiums artistiques sont presque disponibles offerts 24 heures sur 24.


Pour un spectateur, le théâtre demande beaucoup : se déplacer, arriver à une heure précise, payer, porter attention de façon continue… Mais c’est un art où l’aspect expérience vécue est toujours important.


Or, je souhaite accentuer cet aspect. J’essaie de faire en sorte que le spectateur vive des moments de façon personnelle, et non seulement par procuration en s’identifiant aux protagonistes d’une fiction que l’on joue devant lui. Mon théâtre penche vers le performatif, et en outre, je travaille à rattacher l’expérience vécue à des réalités précises, lesquelles, sans en avoir toujours l’air, soulèvent des questions plus vastes.


Considérez-vous le performatif plus fort que le fictif?


Pas nécessairement…


Mais peut-être que je maîtrise mieux le performatif, comme il y a des artistes — que j’admire — qui maîtrisent mieux la fiction. Toutefois, ma réflexion me porte à développer la dimension performative du théâtre.


Je suis renversé par le fait que la télévision — un média de masse ! — soit en ce moment davantage interactive que le théâtre, même si au théâtre, concrètement, les acteurs et les spectateurs sont réunis dans un même endroit. C’est un potentiel négligé. Parfois, je me dis que la fiction, comme moyen de rendre compte de la réalité et de la vie, semble en déclin.


Le salut du théâtre est-il dans la mise en jeu de sa dimension performative ? Je ne sais pas. Mais c’est la piste que je souhaite suivre.


Pour vous, qu’est-ce que c’est qu’un acteur ? Quel est son travail ?


Il n’y a pas de réponses faciles à ces questions.


Je peux difficilement dire plus que ceci : je sais que je ne demande pas aux acteurs de faire ce que les autres metteurs en scène leur demandent…


Ce que je cherche quand je choisis des comédiens, ce sont des gens chez qui je sens un rapport fort à leur identité, à leur parcours — même si je ne vais pas exploiter ces qualités de façon visible pour le spectateur. J’aime les acteurs qui ont un rapport davantage personnel que professionnel à leur travail. Ils doivent être capables de travailler sur scène à partir de leur identité propre.


Je mets les spectateurs dans des situations où ils doivent s’engager personnellement — je travaille à leur faire vivre un moment unique de leur vie — et je demande aux acteurs de pouvoir travailler sur ce même plan.


Ce qui m’intéresse chez l’acteur, c’est son potentiel de transformation personnelle. J’ai besoin d’acteurs capables de jouer avec le chaos. Ils doivent être autonomes.


Lorsque j’ai dû remplacer des comédiens non disponibles pour cette nouvelle série de représentations du NoShow, je n’ai pas fait d’auditions, mais j’ai organisé des rencontres où je demandais aux gens de me raconter leur parcours de vie. Je leur ai expliqué qu’ils devaient écrire un numéro à partir de leur propre vie, qu’il y aurait peu de répétitions, non seulement parce que le spectacle était interactif, mais surtout parce qu’ils devaient rester en état de danger, de transparence et d’égalité avec le spectateur.


Le NoShow a été présenté à trois reprises à Québec au Carrefour international de théâtre en 2013. Qu’est-ce que ces représentations vous ont appris sur le théâtre, sur les comédiens, sur le public et sur la société ?


Sur le théâtre : qu’il s’agit d’un art dont les contours sont vraiment très difficiles à définir.


Sur les comédiens : qu’ils sont plus créateurs qu’ils ne le pensent. Forcés de prendre la parole sur eux-mêmes, sur leur rapport à leur art, à leur vie, à l’argent


— des choses dont ils n’aiment pas parler publiquement


—, ils le font avec style.


Sur le public : qu’il tient davantage au théâtre que nous tous le pensions. En évoquant une hypothétique disparition du théâtre, nous avons réalisé que c’était une composante importante de la vie de beaucoup de gens, de gens prêts à se battre pour que le théâtre continue d’exister. Pour eux, ce n’est pas un simple divertissement, mais un phénomène profondément humain, rattaché au sacré.


Sur la société ? Le NoShow fait état d’un rapport de force : le théâtre dépend du public. Pour mettre en valeur ce rapport de force, nous employons une arme redoutable : la grève. Mais, de part et d’autre, ce rapport de force n’est pas hostile, au contraire.

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