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Le Jeu de l'amour et du hasard

+ d'infos sur le texte de  Marivaux
mise en scène Jean-René Lemoine

: Note d’intention

Chez Marivaux, il n'y a pas de morale. Il y a une sorte d'autopsie des jeux de l'amour, du désir, de la cruauté. Le comique va toujours de pair avec la brutalité des sentiments et la pièce reste impitoyable quant au destin des personnages. Ce qui est passionnant, c'est que Marivaux laisse au spectateur la possibilité de se faire sa propre morale, de tirer sa propre conclusion. N’oublions pas que la pièce est écrite au dix-huitième siècle, siècle des Lumières. Elle fait sienne les préoccupations philosophiques de l’époque quant à la place de l'individu dans la société et se concentre sur le rapport entre maîtres et serviteurs. Notons aussi qu’elle décrit une famille de bourgeois modernes, progressistes. Il n'en demeure pas moins que malgré la noblesse et la modernité des sentiments du père et de la fille, au terme du travestissement, il y a quand même un couple - les valets - qui revient brutalement à sa condition, à son asservissement, après avoir connu le rêve d'être autre chose…


J'ai eu cette fois l’envie de travailler un classique, un texte du répertoire pour voir comment on pouvait se l'approprier ici, sans le trahir évidemment. Ensuite, cette pièce - vertigineuse - offre une palette de jeu très riche, des registres contrastés auxquels on peut accéder assez facilement dans un premier temps, avant de pénétrer les immenses difficultés tapies dans la subtilité de sa mécanique. Enfin, je trouve qu'elle met en lumière des thématiques qui sont encore vivantes ici, sans doute plus qu'elles ne le sont en France où la pièce est très souvent montée. A commencer par le rapport entre maître et serviteur qui est empreint de cruauté, mais aussi de bonté, de douceur, d'une tendresse complice un peu condescendante. Il y a un vivre ensemble entre les maîtres et serviteurs de Marivaux que je retrouve dans la société haïtienne. Sans parler du déni d’eux-mêmes qui caractérise les serviteurs dans la pièce. Il me paraissait intéressant d’aborder cela en s’emparant d’un texte qui ne prétend pas nous amener à une catharsis quelconque. Le spectateur est emporté tout simplement dans les méandres de la passion et il est amené à palpiter pour les deux couples. Quels que soient ses postulats ou ses a priori, il est piégé par la mécanique parfaite de la pièce, et ce n’est qu’à la fin qu’il comprend (s’il veut) l’étendue de sa violence.


Il y a peut-être encore une raison que j'ajouterais en « post-scriptum » : il me semblait aussi intéressant de présenter un spectacle choral. Ici on joue souvent des monologues, je n'ai rien contre, bien au contraire, mais j’avais envie de créer un groupe, une équipe, et de voir comment on peut jouer ensemble ici. L'apprentissage du jeu passe grandement par l'écoute. Se trouver à l'intérieur d'un groupe et avoir cette disponibilité, cette générosité, être cet instrument au sein du choeur, de l'orchestre, je crois que c'est un bon exercice pour les comédiens d'ici.

Jean-René Lemoine

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