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Le Colonel suspicieux

mise en scène Marc-Henri Lamande

: Texte matériau

LE COLONEL SUSPICIEUX est un texte monolithique qui ne respecte ni la syntaxe, ni la grammaire françaises. Il est construit en hurlement, en cri, en urgence. Je ne pouvais commencer à écrire qu’après avoir écrit cela. Il y avait à l’intérieur de moi une pression, une révolte qui ne pouvaient sortir en mots bourgeois ou en phrases bien faites. Le texte ne contient aucune ponctuation comme un souffle qu’on ne saurait arrêter.


Je voulais aller vite et loin. Les mots n’étant parfois pas assez forts, j’ai décidé d’en inventer. Ils sortaient malgré moi :


… ils sortent aggravés vergonds et déjà prenanciers et ils n'ont plus la voix l'hallala sevestre ou l'être pissenlit ils sont déléchés puis noyés alala ils sortent ils évoquent la pondérable cuisse sous-dite en eux en dernier lieu d'abond les algos les absents…


LE COLONEL a été écrit en quatre ans. Chaque mot aimante le mot suivant ou en contient le germe. C’est une langue codée.
Avant la compréhension du mot ou de la phrase, il y a le son, la vibration de la voyelle, l’action de la consonne dans l’espace intellectuel vide.


Pourquoi un colonel ?
Je suis né en 1955 dans la France d’avant. La France du Général De Gaule. Comme Artaud je ne l’écris qu’avec un seul « l ». Une France d’uniformes et de bonne conscience, une France coloniale.


… c'est le petit chien-chien de la guerre venez la chair ce mot laid ce mot unicolore le tigre mot qui lime en collectant la joie et galonne la pensée ainsi tu fus un parfait fossoyeur de règles et semble que tu aurais fait part ponctuelle de ta propre criminalité…


En choisissant un colonel je mets en scène le Français et sa France. Comment cette France d’avant va devenir la France d’aujourd’hui. Comment va-t-elle redresser sa colonne ?


… soulevons la raie publique vivante la grande mémé aux pesants aloyaux car ses fils n'aiment que la viande et ils s'y connaissent dans la bidoche et que même ils s'y reconnaissent douce et chronologique france la chasse et le gibier versaire de la grande fête aux rognons c'est là qu'ils se rendent pleins de ventricules intentions beau comme l'amiral culotte sur l'avenue dans le vel avenir celui du pâté de campagne et de la terrine de brochet quelle liberté de faits très'heures treiz'heures qui se passent à sustenter la toutoune et le riquet encore qu'il faille tant faire qu'au travers de leurs ulcères et leurs mauveaux ils croient encore alimenter l'antre et le sabre sans armer leurs conversations ou rassurer l'apatrie lovée de petits cubes dem sous la langue et ranimer la congéniture d'où s'exhale inlassablement une plèbe odeur de calmant non je ne suis pas tendre avec les aéroplanes puisque je possède encore quelques acres de fer et un droit orphelin qui de qui s'est jeté tôt dans le tricorps perdant de l'écriture franche…


Au dessus d’un colonel, il y a un général, au dessus d’un général un général une étoile etc. Au dessus de quelqu’un il y a toujours quelqu’un et au dessus de tous ces gens s’opère la machine internationale de l’argent et de la guerre. C’est exactement la position d’un prolétaire qui donnerait son avis sur un événement lu dans le journal. Une idée du vide absolu.


… nous sommes bouleversés faute de blanc de flanc or nous sommes bouleversés et morts filmés à la troucondécence pour les bons génères que nous sommes version domptable de manillon ministère de moelle logé quelque part en aval qui ne lâche plus son euphorie bouleversés oui nous sommes là confonds dans l'image dégueulant au passage les évènes papillons qui préciseront parfaitement les couleurs de l'autrui encore pâle et vertical…


Ce colonel dit tout ce qu’il pense parce qu’il est colonel. Il a été élevé comme ça. Quand il parle on écoute. Il en a long à dire. Il a des idées là-dessus.


… le vrai boucher élève la bête rose et célèbre l'étable en mots veaux français connus sous la mère avant de prétendre entrer dans la vraie cochonnerie parlez-moi de territoire vaincu et de danses allemandes j'en accuse le spectacle la tiraillerie mécène de l'ambre ficelle les conjonctions ont un air imbécile en état de cirque le revenir d'un astre berbère…


Il vide son sac. Il sent que quelque chose est proche. Une libération de son état. Qui aurait-il été s’il n’avait pas été colonel ? Poète peut-être ?


Fiacre
tombé en joie n'omettons pas la joie
le raisin à manches courtes
plantine en tête éviandée dans la cour
frangine saison
en ridelles promises tu mens dans l'ambre seuil
pour pimenter ta phrase à l'instar de l'uvée sodée
dévot de la ian-iande mangeur de poupou
moineau de la paye
avec une voix de parking qui vaille que travaille
pour décrocher la timbale des jours


Il parlera 55’ et parviendra pour la première fois de sa vie au lyrisme total. Cette transe et la conscience de sa mission en feront un visionnaire. Après avoir réglé tous les problèmes de la France et aussi ceux de sa mère et de sa sœur, après être repassé par son enfance avortée, après avoir servi la France, il se trouvera en face de la vie. Cette intimité qu’il avait protégée toute sa vie sera débordée par la France d’aujourd’hui.


dem je vous aime comme les herses lunaires à la fois tendres et pleins d'aiguilles multipliées sur mon lin brûlant je pense dormir sous la cendre et chorégraphier l'envie de sortir pour mâcher ensuite des champignons de chair qui danseront revers et avenus pour dompter de leurs bouches ovides un amour qui s'est plaint de nous tous jeunes et saphos en deuil…

Marc-Henri Lamande

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