: Arrogante civilisation des croisades et du napalm…
Il est des titres de films, de romans, de pièces qui plus que d’autres
font rêver. Ainsi Le Cavalier seul… Trois petits mots évoquant on ne sait quel
d’Artagnan jailli du terroir pour conquérir le monde. Ou peut-être un de ces héros
de western que l’on voit s’éloigner à la fin du film, toute vengeance accomplie,
cavalier seul sur un ciel en technicolor. Ou encore un de ces types bizarres qui
un beau matin quittent la maison, la mère, le mol troupeau quotidien et partent
au-devant d’eux, poussés par un feu qui les brûle…
Et puis un jour on découvre qui s’avance derrière ce beau titre. Devant
nous se dresse Mirtus, le cavalier audibertien, jeune homme à la chair dure et au
verbe cru, quittant son pays d’oc pour à travers les terres et les mers s’enfoncer
dans la fabuleuse aventure de la Croisade, jusqu’à Jérusalem et au tombeau
du Christ. Dans ce jeune guerrier d’élite, « gros amateur de donzelles » et qui
un moment – un moment seulement – va se laisser tenter par le « miel oriental »,
c’est nous-mêmes que nous retrouvons. C’est notre faim d’absolu mais aussi
notre incommensurable orgueil occidental, notre grossièreté conquérante,
notre appétit de domination, notre peur.
Jamais le chef d’oeuvre d’Audiberti n’a paru aussi actuel qu’aujourd’hui,
alors que l’Occident, qui semble n’avoir rien appris de ses déroutes coloniales,
continue de vouloir imposer au monde une civilisation que certains s’évertuent
encore à croire supérieure.
Le Cavalier seul, cette épopée qui, dans une langue admirable, brasse
folie burlesque, acrobaties bouffonnes et moments d’émotion intense, est un
« J’accuse » d’une violence inouïe. Il sape et tourne en dérision les fondements
même de notre « arrogante civilisation des Croisades et du napalm » (Gilles
Sandier).
Plus profondément, Mirtus, parvenu au terme de sa quête et bouleversé
par la vision d’un condamné à mort que l’on conduit comme un christ au
supplice, se révoltera contre une religion qui prospère sur la croyance au péché
et la glorification de la souffrance… « Ne nourrissons pas d’une chair hurlante
le rêve de l’Église chrétienne. Laissons dans les bréviaires pourrir ce rêve noir.
Tout ce que Dieu veut, c’est un verre d’eau. C’est rentrer chez lui qu’il veut.
C’est se coucher. C’est qu’on le délivre du mal »…
François Bourgeat
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