theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Lampedusa Beach »

Lampedusa Beach

+ d'infos sur le texte de Lina Prosa traduit par Jean-Paul Manganaro
mise en scène Marie Vayssière

: Lampedusa Beach Oraison

Là, dans le fond, à cinq toises
ses os sont devenus corail
et ses yeux sont des perles.
Tout ce qui est destiné
à périr dans la mer
se transforme en quelque chose
de précieux et d’étrange.
Shakespeare, La Tempête, I, II.


Tout bon scénario de théâtre en évoque un autre, rappelle un précédent. En lisant Lampedusa Beach la chanson sous-marine d’Ariel a refait surface comme une bulle d’air. Perles ses yeux, corail ses os.
Sur l’île de Prospère, les esprits mettent en scène une tempête pour renverser le bateau plein de pauvres créatures qui feignent de se noyer. Le naufrage est un expédient mis en place dans le but de rétablir la justice et la vérité.
Dans le monologue de Lina Prosa, la seule vérité qui soit rétablie est celle de la jeune fille qui témoigne. Les matelots de coque ont fait se renverser la barque.
Une pile humaine de sept cents clandestins écrasés les uns sur les autres comme des planches pour que le viol soit possible se renverse facilement. La seule justice est un acte d’accusation détaillé.
Il n’y a pas eu de tempête. La mer est innocente. Les créatures se noient par une belle journée de soleil. C’est ce qui arrive à Shauba au fil de l’eau au milieu des cadavres humains qui flottent. Avec les lunettes de Mahama qui lui permettent de rester à la surface. Shauba qui ne sait pas nager. Qui ne sait pas couler.
Qui est en train de pourrir dans l’eau comme une feuille.
Qui au lieu de finir comme repas pour les poissons, décomposition muette de la chair, se recrée et devient précieuse. Elle devient précieuse et étrange. Elle commence à parler.
Devant le mirage de Lampedusa, l’esprit du théâtre accomplit le miracle. Il invente le monologue en apnée, la voix sous l’eau, la dilatation du dernier instant.
C’est une idée théâtrale qui dépasse tout, le temps, le récit, le personnage lui-même. La voix en train de se noyer. L’instant prolongé et tourbillonnant du dernier souffle. De la dernière haleine. Le corps non enterré et dispersé qui célèbre sous l’eau sa propre oraison.
La voix de Shauba procure cette angoisse et ce réconfort. L’angoisse de se noyer, le réconfort d’obtenir une écoute.
Et célébrer un final.



Patrizia Zappa Mulas (traduit de l’italien par Jean-Paul Manganaro)
Introduction à l’édition Italienne de Lampedusa Beach, Edizioni della Meridiana, Firenze, 2007.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.