J’ai lu ce roman de Réjean Ducharme en décembre 2009 presque d’un trait, crayon à la main, à souligner, encercler, mettre en couleur, dessiner. Oui, il m’arrive de faire ça dans un livre que j’aime. Dès les premières pages, je savais que j’avais trouvé ce que je cherchais; une matière inspirante, des personnages jeunes avec une langue forte, mais surtout avec un point de vue sur la nature humaine.

Et Iode Ssouvie, narratrice de l’histoire, en a assez des humains, surtout ceux qui sont devenus des adultes! Cette enfant, laissée à elle-même, me bouleverse. Très vite, j’ai eu le sentiment de devoir la sauver, mais Iode me dirait qu’elle est assez grande pour se sauver elle-même. Et je la crois parce qu’elle a une arme redoutable; les mots.

Mais à qui peut-elle vraiment raconter ce qui se passe à l’intérieur? Qui peut écouter et comprendre ce qui la chavire? Une amie, un père, une mère, une soeur? Qu’importe! Ce sera le public. Iode utilise le spectateur pour se réapproprier son existence et la fenêtre qu’elle ouvre aujourd’hui laisse entrevoir un univers sur lequel elle n’a pas souvent braqué les projecteurs. C’est à travers son regard qu’elle nous présentera les personnages de son monde tels qu’elle les a imaginés dans ses pires cauchemars. Ils seront à la fois magnifiés et monstrueux.

Ce spectacle en est un sur la liberté, ou plutôt sur la libération. Ce sentiment euphorisant que l’on ressent après s’être lesté d’un poids paralysant. Iode a fait le saut juste au bon moment, guidé par une amitié sincère et surprenante.

Avant que tout ça ne commence, je vous laisse sur cette réplique qui fût le moteur de mon travail : les yeux ont faims, follement sans cesse. Quand ils ne trouvent rien de bon à manger dehors, ils se tournent vers l’intérieur et se mettent à manger l’âme.

Sylvain Scott