: Note d'intention
Par Jérôme Deschamps
En rêvant à L’Avare, cette comédie féroce, à l’inverse de ceux qui veulent inscrire l’action dans un contexte trop précis, je suis convaincu que ni Molière, ni les spectateurs n’ont besoin de ce genre d’artifice pour comprendre, pour être surpris, pour rire, pour être émus.
J’ai pensé à la nudité des plateaux
de Jean Vilar, d’Antoine Vitez et de
Peter Brook. Laisser se promener
l’imagination de chacun, suggérer,
« en montrer moins pour en dire
plus » comme disait Jacques Tati,
pour que soit encore plus forte la
rencontre entre la pièce de Molière
et le public.
Une beauté simple, faite des
costumes, de l’art de la peinture,
cette belle tradition du théâtre qui
ouvre la porte au rêve, qui permet à
l’art de la lumière de donner toute
sa mesure.
Une scène presque déserte
pour être plus radical, pour
mettre en évidence le choc des
confrontations, le grand art de
Molière.
Un choc qui passe par le rire.
Il va avoir lieu devant nous entre des intérêts contradictoires qui mêlent les amours et l’argent.
Comment vivre son amour hors de
la contrainte d’un mariage d’argent
où vous poussent les pères, quand
ils n’envoient pas leurs jeunes filles
au couvent ? Il faut entendre ces
deux enfants qui, contrairement
à l’air du temps sont décidés à
vivre leur amour quelle que soit
l’opposition farouche de leur père,
mais aussi suivre Mariane, qui jamais
ne s’opposerait à une mère si aimée.
Il faut encore et plus tard admirer
l’élégance d’Anselme qui en bon
aristocrate, considère l’argent
de loin et laisse d’un beau geste
les amoureux s’aimer comme ils
l’entendent.
Harpagon en est convaincu : l’argent
est la clé du bonheur dans ce
monde, et sa gestion une religion,
un engagement fondamental,
amoureux, vital.
Et si l’argent est le maître du
monde, Harpagon est le grand
maître de la manipulation. Ce roi
des fourbes, cet avaricieux, prêt
à tout pour mettre « de côté »,
enfants et réputation, odieusement
acharné à arriver à ses fins, est
porté par le génie de Molière.
Plus que l’argent qu’il accumule
et ne dépense pas, c’est la bonne
gestion qu’il idolâtre. La mauvaise,
c’est l’enfer.
Sa passion folle, extrême,
l’emporte, le met hors de ce monde
dispendieux qu’il déteste, l’isole à
tout jamais de toutes ces forces
hostiles.
Il se bat, il veut régner, défendre
sa foi, et tout est bon : le mensonge,
la méfiance, la ruse et les coups de
bâton, la menace, et la violence,
toujours. La cruauté atteint ici de
tels sommets qu’elle nous fait rire.
Et l’amour d’Harpagon pour
Mariane s’évanouira à la vue de sa
cassette retrouvée...
Au décor de Félix Deschamps Mak s’ajoutent la beauté inventive des costumes de Macha Makeïeff et les lumières de Bertrand Couderc, pour créer l’unité que j’aime, comme leur complicité.
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.