Leur ronde dans une pénombre permanente (leur errance ?) invite à un flirt avec ce trou noir baigné de mystères, magnétisé de fantasmes, auréolé d’espoirs.

Un personnage mi-fantomatique mi-ange semble en être le gardien en même temps que le passeur. Mais vers qui, vers quoi ? Toutes les réflexions et interprétations sont permises. La mort ? Envisageable, mais trop évident. Une autre société moins consumériste ? Trop utopiquement correct. A moins qu’il ne s’agisse que de souligner la nécessité d’oser être soi.

Les exigences de Jacques Bioulès pour le lecteur ne sont autres que celles d’accepter de se laisser surprendre plutôt que de vouloir déchiffrer à l’avance. Avec malices, et comme dans les jeux d’enfants, il habite les dialogues de mots personnages. Leur proposition appuie le contraste entre notre quotidien et la nuit virtuelle qu’il nous invite à découvrir. Cette gymnastique est excitante. Un peu comme la visite d’une ville inconnue en cheminant au hasard pour en percer quelques secrets. "L’autre nuit" chasse celle dans laquelle nous sommes plongées. Toutes les interprétations sont ici permises tant les mots alimentent un manège, où mensonges et vérités jouent tour à tour à cache-cache et de leurs reflets dans des miroirs.

Avec ses longues plages sur lesquelles le texte s’alanguit et ses déferlantes déstabilisatrices, cette cinquantaine de pages éveille les sens pour être en mesure de siphonner le plein de ses essences.

Ch. GAYRAUD
Midi Libre du samedi 1 septembre 2007