: L’Histoire oubliée
L’histoire de la ville de Komsomolsk-sur-Amour, patrie du Teatr KnAM, est symptomatique
de la façon dont la mémoire collective se cultive à partir d’une histoire passée sous silence,
dont on ne donne qu’une image positive. Komsomolsk aurait été construite par la vaillante
jeunesse communiste.
Il n’en est rien. La ville a été construite par des déportés au goulag et, plus tard, par des
prisonniers de guerre. La vérité sur la ville a été rendue publique grâce au travail des
militants de la Section d’Extrême-Orient de Mémorial. Mais le mythe perdure. Chaque
année, la ville célèbre somptueusement l’anniversaire de sa naissance, sans que jamais les
élus ne prononcent un mot à la mémoire des constructeurs.
Dans la Russie d’aujourd’hui, on ne parle ni de repentance ni de culpabilité. Toutes les
tentatives pour créer un mémorial aux victimes sont restées stériles. Il existe juste une
petite pierre commémorative, cachée - ironie du sort - derrière les murs du Palais de
Justice. Les jeunes générations ne connaissent pas cette histoire. Et les anciens ont du mal
à parler. On ne peut pas évoquer des crimes du passé sans se référer à la terreur
stalinienne. Staline était un criminel mais sa tombe demeure dans la nécropole de la Place
Rouge et, chaque année, les “victimes” du culte de la personnalité viennent honorer sa
mémoire, accompagnés de très jeunes gens. L’histoire falsifiée se transmet par héritage
puis elle se répète...
Dans la Russie d’aujourd’hui, la liberté d’expression est de nouveau menacée, les
répressions à l’encontre de toute dissidence s’intensifient. Les prisonniers politiques sont
réapparus et leur nombre augmente. On alimente de nouveau l’image de l’ennemi, à la fois
extérieur et intérieur. Les discours des dirigeants actuels ressemblent à s’y méprendre, tant
dans la forme que dans le fond, à ceux prononcés par leur sinistres prédécesseurs.
Nous voulons, par une puissante charge émotionnelle, provoquer de réels changements, aussi modestes soient-ils, dans la conscience du spectateur. Nous voulons lui dire combien il est important de se souvenir non seulement du meilleur mais aussi du pire. C’est seulement au prix de cet effort de mémoire que nous pourrons espérer nous construire un avenir commun.
Teatr KnAM
Tatiana Frolova
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.