: Note d’intention
« L’inconscient est un bon spectacle ;
ou plus exactement,
le spectacle de l’inconscience est
le commencement de la conscience. »
Roland Barthes
D’où vient cette tendance à s’imposer à l’autre, à le phagocyter par l’amour, à l’éliminer par la haine,
à l’annihiler par le mépris ? N’est-elle pas le fruit de l’échec du langage ? N’est-elle pas le résultat de
l’aliénation d’un homme cantonné, cramponné, bon gré mal gré, à des clichés, bribes d’identité ?
Les Jardins de l’horreur décline sous un ton plus comique et léger certaines interrogations posées dans
Conviction intime de Rémi De Vos, première création de la Cie de la Caverne. La pièce prolonge notre
recherche de ce qui fonde l’humain et la violence de ses sociétés. Toujours avec cet humour noir qui
nous distancie et nous sauve.
Dans ce jardin éminemment individualiste, tout commence avec des êtres humains qui se rencontrent,
et culmine avec des classes socio-culturelles qui s’opposent. Les déboires familiaux ont toujours nourri
tant les tribunaux que la littérature. Sauf que dans Les Jardins de l’horreur, les deux branches de la
famille Esser (dont le nom signifie goulu, mangeur) usent et abusent d’une langue de bois qui trace
sans cesse des frontières et, impitoyablement, stigmatise l’Autre en le plaçant sommairement sous
une étiquette sociale. L’installation du conflit et de la cruauté n’est qu’une question de temps.
Bien sûr, Daniel Call, en écrivant cette pièce, pense surtout au choc de la réunification qu’a vécu
l’Allemagne, à l’incompréhension pétrie de clichés qui a habité les allemands face à la soudaine
découverte de leurs frères de l’autre côté du Mur. Mais les acteurs de cette situation explosive
ressemblent étrangement à tous ces individus que l’on ne souhaite jamais rencontrer mais que, par
essence voyeuriste, nous aimons à imaginer. Leurs péripéties nous font rire de bon coeur… tant que
nous ne sommes pas directement impliqués ! Aux armes, citoyens ! Tous contre tous ! Humains de
toute sorte, divisons-nous ! Voilà le cri ironiquement désespéré que Les Jardins de l’horreur pousse.
Sur le plateau, et puisque Les Jardins de l’horreur est une « comédie de boulevard », il y a une
euphorie de surface et un rythme tourbillonnant. Entrées et sorties énergiques, apparitions
inattendues, jeux de chaises musicales, des personnages légers et attachants aux travers exacerbés.
Leur parole, leurs mouvements sont orchestrés comme une partition musicale mal arrangée. Et plus
ça bouge, plus l’équilibre est précaire, car dans le traditionnel placard, c’est la conscience des
personnages qui est enfermée à double tour. Alors, toute violence se commet « mine de rien ».
Myrto Reiss
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