« Ils ont 25 ans et leur diplôme de gestion en poche. Ils sont intelligents, compétents, créatifs et très motivés. Ils ont des rêves, des ambitions et le sens du défi. Ils espèrent un job où ils puissent donner leur pleine mesure.

S’intégrant rapidement dans l’entreprise de consultance renommée qui les a choisis, ils en adoptent avec souplesse les valeurs, les codes, le langage et le mot d’ordre : Grow or go ! Marc Bauder avait consacré à la première année de vie professionnelle de ces quatre jeunes diplômés de la prestigieuse European Business School un documentaire précis et tout en nuances.

Passionnée par le monde de l’entreprise ou l’intime s’articule comme nulle part ailleurs à la politique, le metteure en scène Françoise Bloch prélève à la matière même de ce film les séquences qui composeront peu à peu par collage un portrait. Mais les écarts –mesurés- qu’elle et ses acteurs inventent, les contrepoints (images et sons) qu’elle choisit de ces fragments de réel ouvrent des brèches dans le discours, soulignent avec humour, débusquent le doute et les signes d’effritement. On est décidément bien au-delà du portrait d’un groupe, qu’il soit d’âge ou de profession : le système qui modèle de façon « exemplaire » les corps, la langue et les esprits de ces jeunes spécialistes n’est-il pas en effet celui-là même qui transforme nos modes de vie, notre rapport au travail et au monde ?

Dépassant les clivages simples, Françoise Bloch partage, avec Grow or go, les questions qui l’inquiètent : que devient l’être humain si l’image de l’homme idéal est fondée sur la conformité aux exigences de l’économie ? Quel monde naît lorsque l’idée de progrès se confond avec l’optimalisation du rendement ? »