theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Gould/Menuhin »

: Un duo et un duel amoureux

Amour d’Ami Flammer pour ces deux génies dont l’immense célébrité ne s’éteint pas : Yehudi Menuhin, violoniste et philanthrope, Glenn Gould, pianiste et penseur libre, réinventeur de l’écoute du piano ; amour de Charles Berling pour le théâtre et son pouvoir de donner vie aux enjeux les plus excitants, dans une confrontation avec d’autres formes d’expression, ici jusqu’à la plus subtile et la plus impalpable, la musique.


Le duo naît de la conversation, de l’amitié curieuse et féconde, pariade incessante où s’apprivoisent l’un et l’autre, les uns et les autres, au fil du temps, dans l’enthousiasme du projet ; il se poursuit par la conversation entre les cordes et les touches, leurs voix et leurs timbres, dans une danse aux mille pattes, les doigts d’Ami, les mains de Charles, les doigts de Jean-Claude Pennetier… et le duel s’y engage d’emblée : Gould et Menuhin se respectent et s’admirent, mais pensent et interprètent la musique de manière radicalement opposée. Charles et Ami, déployant leurs arts respectifs, s’engagent donc dans une lutte pour le territoire, allégorie de la controverse entre les deux grands hommes, enfants et adultes prodiges de notre temps.
Charles, metteur en scène, plus Gould que Gould, investit la scène d’un arsenal technique propre à la modernité, images et médiations sonores déclinées, et, acteur, décrit l’espace par son geste, sa foulée conquérante, son imagination électrique, ses sciences du plateau. Ami s’adresse au public à voix nue et raconte Menuhin, ses riches heures et ses tourments, raconte l’antique instrument, dans un évident désir de partage qui l’apparente à Yehudi, et, insoucieux des images et du temps, il joue, joue du violon.
La rencontre, historique, à l’invitation du plus jeune des deux musiciens, du plus désirant, aura lieu sur terrain gouldien. Bach, Beethoven, Schoenberg les réunissent dans une tension de Samouraï. Le débat s’exprime et vibre musicalement.
Un « Ariel » féminin/masculin, en la personne d’Aurélie Nuzillard, se prête aux jeux de l’un comme de l’autre et désamorce l’affleurement des gravités par des relances candides et l’espièglerie de ses propositions. Il fallait bien à la coexistence de nos deux monstres un agent de liaison délicatement shakespearien.

Gould / Menuhin, autant dire une impossible représentation, l’évocation ne se veut pas exhaustive, ne prétend pas à l’incarnation. Rien ne s’achève, tout prend allure de fugue et de répétition. Ce fut un chemin d’approche, une progression joueuse et réfléchie vers deux êtres dont la résonance perdure grâce au pouvoir de l’enregistrement et dont les portraits dans nos mains tremblent encore, tant par le feu de leur stimulation et l’émotion de notre reconnaissance, que par la distance qui fatalement nous sépare de ces deux merveilles d’humanité.

Christiane Cohendy

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.