Monter sur le plateau de théâtre pour dire la parole-action de Celestini est une nécessité. Travailler avec l'acteur, la scénographe, les créateurs des lumières et des sons pour inventer avec le Rideau de Bruxelles tout ce qui se verra et s'entendra sur scène, outre la parole, revêt un sens éthique. L'Italie de Celestini ou plutôt celle que transmettent ses héros est l'éternel petit caillou dans la botte. Elle met en danger la bonne marche du pays éternellement amnésique, honteusement obtus ou fallacieusement illusionné au moment de passer aux urnes. Un pays qui a du mal à soigner ses plaies politiques. Un pays d'hommes et de femmes valeureux ou héroïques, ordinaires ou profiteurs presque continuellement gouvernés par des bonimenteurs. Le mensonge use la démocratie, la fraude l'enterre ou pire, la déguise en alibi. Je ne connais pas la classe politique italienne tout comme je ne connais pas les ouvriers de l'usine Solvay-Rosignano. Ici il s'agit de parler de ce que le pays doit aux uns et aux autres. En portant Celestini à la scène, par le talent d'Angelo Bison, je ne fais que compléter la chaîne de travail artistique qui relie la démarche anthropologique de l'auteur au sens de la représentation. Je fais le même choix politique qu'il a fait en mettant en scène la parole qu'il a recueillie. Celle des ouvriers et non des dirigeants. Par là j'exprime l'humble souhait que le spectacle qui se fabrique en équipe, poursuive la chaîne du bousculement des consciences que la parole de Celestini provoque. Puisse-t-elle trouver les oreilles capables de la traduire en actes dignes d'êtres humains.

Pietro Pizzuti

octobre 2004