: Evguéni Grichkovets au détour de ses propres mots
« Je ne suis plus un nouveau sentimentaliste mais un romantique. Un néo-romantisme
urbain, celui qui parle des villes à travers le prisme des gens, de ces petites fourmis qui y
vivent. »
« Quand j’ai commencé ma période de théâtre moscovite, j’ai commencé par parler de
mon enfance, de ma jeunesse, de mon adolescence et aujourd’hui je me rapproche de
mon âge, mon théâtre me rattrape. J’ai complètement aboli la distance entre mon théâtre
et moi-même. Depuis, je me sens en prise avec la réalité et je peux donc écrire sur les
sentiments que j’éprouve : l’amour, la solitude et les doutes qui m’assaillent. »
Propos recueillis par Zoé Lin, le 9 décembre 2002 pour « L’Humanité ».
« Je connais bien le sentiment qui correspond à « j’existe ». Mais que signifie « je n’existe
pas » ? C’est vrai que j’ai parfois le sentiment : « Il vaudrait mieux que je n’existe pas. »
Ce sentiment apparaît par exemple le matin qui suit une fête, et c’est un sentiment assez
fort. Mais ce n’est pas non plus de ça que je parle.
Non ! Je connais la joie qui vient de la sensation d’exister. Par exemple quand on est assis
près d’un feu de bois… (…)
Quand le feu a pris toute cette obscurité et cette obscurité s’est rapprochée très près de
toi, et là, dans les ténèbres de la forêt, tu sens la présence d’un loup. Et (…) tu te blottis
contre le feu. Là-bas, dans le ciel, il y a les étoiles, et des étincelles du feu s’envolent vers
les étoiles en suivant des trajectoires capricieuses, et, apparemment, les atteignent. Et
venant semble-t-il des étoiles, des papillons de nuit volent jusqu’à toi. A cause de tout ça,
une angoisse s’empare de toi, mais c’est une angoisse si… agréable.(…)
Parce que toute cette angoisse vient de ce que tu ressens de manière très aiguë que tu
EXISTES et que tu es très petit. Tu es très petit mais tu existes ! Et ton petit feu est visible
de l’autre côté de la rivière, il émet une lumière vive, et tu as ta propre température
corporelle, qui est quand même plus élevée que celle qui t’environne, et beaucoup plus
élevée que celle du cosmos. » (Planète).
« La première chose qu’ils ont déterré, c’étaient ses pieds… avec les chaussures. Les chaussures étaient lacées avec des lacets en cuir. Et le noeud des lacets faisait des boucles…Des boucles. De longues boucles. J’ai vu le noeud fait il y a un peu plus de cinquante ans par un être humain vivant. Il avait fait ses lacets, et puis il était mort. Il les avait faits exactement comme moi je fais les miens. (…) Quand j’ai vu ces chaussures, j’ai simplement pour la première fois de ma vie rencontré un soldat allemand vivant, c’est-àdire un soldat de cette guerre-là. Et ma relation à la guerre est devenue encore plus compliquée. Beaucoup plus compliquée. » (En même temps)
« C’est tellement important, ressentir fortement quelque chose, ressentir… Pas une douleur…, parce que la douleur ça vient d’ici, c’est-à-dire quand on a mal, ça vient d’ici. (Il montre le schéma anatomique.) Je veux dire — RESSENTIR !… Pas un goût, ni même une joie…, mais une situation. Une situation ! Ressentir ce qui EXISTE » (En même temps)
« Et j’avais aussi envie de trouver ces femmes blessées, ou gelées, ou malades ou dans une situation horrible quelconque… et de les sauver, de les guérir, de les sortir de là. Et d’être récompensé de la manière la plus merveilleuse… Et je devinais déjà dans quelle direction, de quelle nature devait être cette récompense. Mais comment les choses se passaient dans la pratique, ça c’était pour moi le plus brûlant mystère. » (En même temps)
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