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Des Jours et des nuits à Chartres

+ d'infos sur le texte de Henning Mankell traduit par Terje Sinding
mise en scène Daniel Benoin

: Contexte historique

Les femmes tondues : il semble que ce fut presque partout le premier acte d’épuration. La tonte accompagnait les arrestations, les exécutions, les remplaçait parfois.
Jean-Paul Sartre rencontre boulevard Saint-Michel un triste cortège. “Quelques mèches pendaient autour de son visage boursouflé ; elle était sans souliers, une jambe recouverte d’un bas, et l’autre nue ; elle marchait lentement, elle secouait la tête de droite et de gauche, en répétant très bas :“Non, non, non !” Autour d’elle, quelques femmes jeunes et jolies chantaient et riaient très fort, mais il m’a semblé que les visages des hommes qui l’escortaient étaient sans gaîté...”
Ce rasage de crâne était certes conçu comme une tentative d’adapter le châtiment au crime. Celles qui le subirent étaient généralement coupables d’avoir eu des relations sexuelles avec l’occupant. L’heure de la Libération venue, la vengeance était inévitable.
Un autre écrivain dépeint une scène survenue à Libourne : tandis que retentissent à tous les coins de rue La Marseillaise ou le Chant du Départ, un tribunal sommaire se tient à l’Hôtel de Ville, devant lequel une prostituée nie avoir “fricoté” avec l’occupant. On ne lui en rase pas moins les cheveux, on la met nue, on la traîne en place publique et la population assemblée se moque d’elle... La prostituée de Libourne tient lieu d’offrande expiatoire et l’on peut en dire autant de bien des femmes tondues à la Libération. Ce n’était même pas une question d’innocence : les critiques des débordements de l’épuration eux-mêmes ne prétendent nullement que les victimes étaient sans reproche.
Y avait-il une directive nationale recommandant de tondre les collaboratrices ? Il semble que non, et pourtant il y eut des crânes rasés aux quatre coins de la France. Alors que Paris et une grande partie du territoire français n’étaient pas encore libérés, un correspondant du Sunday Express décrivit ce qu’il avait vu près de Chartres : 3000 personnes assemblées sur la place de la République pour voir 16 femmes, entre 20 et 60 ans, se faire tondre aux ciseaux et à la tondeuse ; à chaque fois que l’une d’elles se levait du fauteuil du coiffeur, le crâne rasé, la foule s’exclaffait et la conspuait.
Si ces femmes tondues et dénudées faisaient office de victimes expiatoires, elles remplissaient aussi une autre fonction, peut-être plus utile dans l’immédiat : elles permettaient d’épancher une colère qui eût autrement conduit à des effusions de sang.


Herbert Lottman
L’Epuration 1943-1953, Fayard (extraits)

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