theatre-contemporain.net artcena.fr

D'entre les morts

mise en scène Christian Schiaretti

: L'auteur - Intention

J'ai l'impression que je suis en passe d'écrire - que cela me plaise ou non - une pièce dont le propos est insupportablement existentialiste, humaniste, moraliste, poétique de surcroît, donc violemment anachronique. J'ai l'impression que ce pourra être tenu, à proportion de la bienveillance du lecteur, pour de la naïveté ou de la provocation. Je ne m'en défendrai pas puisque l'évidence est contre moi. Je suis dans le cas d'écrire une pièce politique, euh..., je veux dire que son point d'application touche au fait de la politique intime, ce qui peut s'exprimer ainsi : qu'en est-il, pour chacun, dans des circonstances adverses (les plus communes à vrai dire) du gouvernement de sa cité intérieure ? Autrement dit : qui résiste à quoi et quel destin s'affirme qui ne révèle ni d'une volonté définie, ni d'un déterminisme éclairé mais du défi réciproque que ces deux tentations se renvoient ? Voici un débat, entre "fureur et mystère", où se décide la pertinence de cette attitude morale - ou mentale -, que faute de mieux on nommait l'espoir. On nommait, n'est-ce pas ? Puisqu'il semble que d'espoir désormais il serait malséant de parler : chose lyrique et mollasse qui méconnaît assurément les vigoureuses dénonciations du siècle, l'espoir est aujourd'hui un mot interdit, affirme Michel Deguy, fermant le couvercle funéraire sur la poésie d'Éluard.


Voire.


En effet, voire. D'Entre les morts n'est que le développement de cet adversatif pour complément d'information. Puisque je ne puis pour ma part classer l'affaire sans suite et faire l'économie par exemple de penser l'objection que constitue, malgré tout, la mise au net ferme et sans compromis de Primo Lévi. On comprend n'est-ce pas qu'il ne s'agit ici ni d'état d'âme, ni de psychologie, ni d'idéologie mais de considérer quelle position il est loisible de tenir dans le paradoxe des circonstances - au sens où Pierre Courtade employait ce mot. Il va de soi que les personnages de ma pièce n'agiront nullement en fonction de prémisses décidés hors des circonstances en question, qu'ils sont des faits, non qu'ils signifient quelque chose - un quelque chose autant que possible problématique - du point de vue de l'espoir, vieille lune dont on n'empêchera pas qu'elle éclaire encore la nuit de jeunes naïfs comme Lorenzo.


L'intrigue pour ce que j'en ai décidé jusqu'à présent est simple et linéaire : un groupe de rebelles que l'action met à l'épreuve et disperse. Cela se passe en France dans un futur relativement proche, dans le contexte d'une étrange guerre civile, aussi silencieuse et masquée que brutale. Ceux qui meurent ne disparaissent pas de la scène, ils s'entêtent à accompagner l'action, discrètement, ils continuent de parler, de désespérer ou de désirer


dans le double fond des événements. La Cloche, chez qui le hasard à-peu-près conduit les protagonistes, est un personnage central : il ne choisit ni le cynisme, ni la générosité, mais manifeste l'un et l'autre en gestes et en paroles. Thérèse, la compagne aimante du jeune Saint Marc tué dès la première scène, et Sarah, la vielle mère aveugle du jeune homme, font entendre la conversation lasse, tendre et obstinément questionneuse d'êtres dépossédés et cependant attachés aux partis pris de la vie, malheur compris. Lorenzo est, de manière constante et irraisonnée, déraisonnable sûrement, celui qu'habite, malgré lui, le mouvement du cœur et de l'esprit envers et contre tout.


La pièce qui sera composée d'une vingtaine de scènes environ alternera des scènes dialoguées et plusieurs monologues. L'écriture veut coudre dans un même tissu une langue sobre qui touche au registre réaliste et une langue poétique et lyrique qui le déborde le plus souvent qu'il est possible.

Jean-Pierre Siméon

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.