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Dans le vif

+ d'infos sur le texte de Marc Dugowson
mise en scène Paul Golub

: A propos du texte « Dans le vif »

Une étoile filante dans le néant de la Première guerre mondiale

1 - Pourquoi, de nos jours, écrire une pièce sur la Grande Guerre ?


En cette année 2011, le dernier combattant (australien) de la Grande Guerre s’est éteint. La dernière voix encore en mesure de témoigner de l’événement et d’en entretenir la mémoire s’est tue. Maintenant, la mémoire passe par la connaissance. Mais le théâtre ce n’est pas un cours d’Histoire, c’est une approche documentée sans doute mais qui doit pouvoir laisser la place à l’intuition et rendre compte des sensations et des perceptions des acteurs et des témoins aujourd’hui disparus.


Il importe donc de parler « pour » au sens où Gilles Deleuze l’entendait à la fois comme une adresse au spectateur, mais aussi, sans arrogance et sans se substituer à eux, porter témoignage pour ceux qui ne sont plus en capacité de le faire. Tenter de leur redonner la parole et la vie avec les moyens du théâtre.
L’Histoire et son environnement social constituent un matériau éminemment théâtral, que l’on pense à Shakespeare, Bond et à tant d’autres, le plus souvent, à l’exception notable de Jean-Claude Grumberg, des auteurs anglo-saxons et de langue allemande de Ödön von Horváth à Fassbinder ou Kroetz en passant par Brecht.


Le 20e siècle est un siècle profondément marquée par les guerres et ancré dans la culture de guerre. C’est en ce sens qu’il m’intéresse. Ces répercussions sur les trajectoires collectives et individuelles ont été sans précédent. C’est aussi une Histoire à laquelle je me sens intimement et familialement reliée.
Plus que la mémoire, c’est la connaissance des faits d’histoire qui m’interroge et leur impact sur le quotidien des personnes, sur les mentalités et la construction psychique à la fois individuelle et collective dans le cadre des rapports interpersonnels, sociaux et politiques.


Dans une précédente pièce, Un siècle d’Industrie, je relatais l’activité d’une firme allemande pourvoyeuse de fours crématoire durant la seconde guerre ; le texte révélait le cheminement quotidien par lequel, n’importe qui peut arriver à participer activement à un génocide... Il m’est apparu comme une évidence que ce conflit et la destruction des juifs et des tsiganes d’Europe s’ancrait dans une histoire plus ancienne mais à la fois récente : la première guerre mondiale. A cet égard, elle constitue sans doute l’événement fondateur du 20e siècle au cours duquel le genre humain a « failli » à de multiples reprises.. Dans le vif est né de cette réflexion.



2 - En quoi, La Grande Guerre est-elle le précurseur des conflits qui vont suivre, l'initiateur d'une déshumanisation et d'une brutalisation sociale massive ?



Quelle famille française d’alors mais aussi partout en l’Europe n’a pas été touchée par la guerre 1914-1918 : les blessés, les morts, les disparus, les veuves, les orphelins…? Mais aussi ces blessures cachées, les traumatismes psychiques, les violences commises par des hommes sur des hommes : souvent de jeunes paysans, des ouvriers, du jour au lendemain en uniforme et basculant dans la peur, pris sous le feu des mitrailleuses ou confrontés à la violence extrême du corps à corps meurtrier avec l’ennemi. L’institution militaire d’aujourd’hui admet, certes difficilement, que l’engagement armé laisse de profondes séquelles et souffrances psychiques parmi les soldats professionnels et surentraînés, ces fameuses blessures invisibles (ainsi au Rwanda, Kosovo, et actuellement en Afghanistan). Alors que dire de ces millions de paysans confrontés à la violence, à la peur, à la faim, à l’ennui, sans parler du gaz moutarde, première arme chimique de destruction massive et le pilonnage des populations civiles. Et que dire des conséquences, une fois la guerre terminée et le retour à la vie civile ?
Il s’agit en effet de la première guerre totale en ce qu’elle implique des dizaines de millions d’hommes et de femmes, combattants comme civils. C’est sans doute à partir de cet événement, qu'ils se sont confrontés collectivement à travers l’Europe à la mort de masse et que celle-ci est sans doute devenue l’expérience fondamentale de la guerre au 20e siècle.


La Grande Guerre a initié un processus de déshumanisation et de brutalisation sociale massive au cours du quel la violence verbale raciste, colonialiste, xénophobe et sexiste a précédé puis accompagné le passage à la violence physique et qui au fil du 20e siècle a insidieusement abaissé le seuil de tolérance à la souffrance d’autrui (les peuples des pays sous-développés, les personnes sans abris des pays développés, les salariés pauvres,…).
De Jules-Etienne Scornet, jeune paysan breton emporté dans la tourmente de 14-18, à nous-mêmes : un mouvement de dépossession toujours à l’oeuvre...

Marc Dugowson

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