: Présentation
Dans le sous-sol de l’âme là où se joue l'attente
Une femme traverse un espace dévasté. Une voix évoque
la vie des insectes et leurs étranges comportements... inhumains.
Une femme chrysalide tente avec peine de se lever et
de se débarrasser de sa mue. L’être cher a disparu et elle ne
sait s’il est mort ou vivant... Elle est là, voûtée, prostrée, en mal
être dans ce corps ravagé. Elle tire un fil qui la ramène à l’absent.
Retrouvailles imaginaires des corps. Enlacement, gestes
tendres, soubresauts. Danse solitaire d’un corps enfiévré de
folie, dans l’étreinte, dans la détresse de celui qui reste et s’invente
des horizons de survie...
Sawsan Bou Khaled nous convie outre-monde. Dans
le souterrain des décombres, dans la douleur des disparitions
et l’incertitude de l’attente. Elle traque l’humain dans le monstre
animal qui y sommeille, dans le cauchemar végétal et l’humus
de la terre. Fragile silhouette terrée dans les images d’hier et
dans la crainte des lendemains, elle offre un corps désarticulé,
meurtri, en… métamorphose. Elle est Sawsan et l’on pense à…
Grégoire Samsa.
Solitaire, elle mêle ses mots à ceux d’Edward Bond,
de Sarah Kane et d’Arrabal et se constitue un outil théâtral
original et hors norme. Dans les infractuosités de la terre de
Beyrouth, elle partage le désir déchiré des femmes d’Egon
Schiele. Elle est au Liban et l’on croit entendre Le cri de Munch.
Assourdissant silence qui brûle les tympans. Images qui dérangent,
universelles, nécessaires, pour ne pas nous complaire
dans la quiétude nantie et l’émoi sélectif.
Elle porte l’oubli et les mots des autres, l’amour en-allé,
le disparu que d’aucuns aimeraient oublier. Belle dans sa détresse
comme dans son amour suggéré, elle est fière et rebelle.
Excavatrice du souvenir, elle creuse et terrasse, elle nous emporte
dans le tréfonds, dans le sous-sol de l’âme, là où se joue l’attente,
là où peut encore naître l’espoir.
Sawsan Bou Khaled frappe nu, juste et fort. Rien ne
semble pouvoir empêcher “sa marche oblique vers l’énigme
des choses, entre silence et bruits”[1].
Bernard Magnier
Notes
[1] Andrée Chedid
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