Crime se construit en diptyque, confrontant deux textes non­-théâtraux. D'un côté, un document historique, la parole de Pierre Rivière, paysan normand qui en 1835 assassina sa mère, sa sœur et son frère et livra sa confession dans un mémoire écrit en prison. De l'autre le grand roman de Dostoïevski Crime et Châtiment, traçant la déroute de Raskolnikov après le meurtre d'une vieille usurière. Ces deux jeunes hommes ont cherché dans le sang à se libérer du monde ancien, se condamnant eux-­mêmes, mais nous ont fait don, par leurs trajectoires fracassées, d'une parole saisissante.

Crime est aussi un spectacle pluriel, qui vient mettre en tension différentes formes théâtrales, corporelles et langagières, technologiques ou sonores. Multiplier les approches, car le crime n'est rien : moins un acte qu'un passage, une interface. Trou dans la matière du temps, le meurtre nous révèle pourtant sa nature irréversible. Trou dans le langage, le meurtre suscite pourtant une masse de discours qui tentent de le circonscrire, mais qui lui échappe toujours. Trou dans le théâtre, enfin, le meurtre demeure le seul événement qui ne puisse avoir lieu sur scène, puisqu'il abolit toute possibilité de répétition. Et malgré tout, le crime se répète sans cesse dans le récit de ces deux meurtriers­-écrivains que sont Pierre Rivière et Raskolnikov. Et malgré tout, nous tentons de nous en emparer, par tous les moyens, de toutes nos forces.