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Comment parler de Dieu à un enfant pendant que le monde pleure

mise en scène Jérôme Wacquiez

: Le parti-pris

Dans une écriture rythmique, limpide et dynamique, se dégagent trois axes dans la pièce.


1. Comment exister et donner un sens à sa vie d’adulte ?


Steve est marié, il travaille et est père d’un jeune garçon. Sa vie est agréable, bien organisée, des maisons alignées sagement, des enfants à bicyclette, des fl eurs, un parc de balançoires, des lumières éclairant les rues….Tout semble paisible.


Pourtant, un matin, Steve se lève et se dit qu’il est devenu père sans qu’il s’en aperçoive.
Il ne cherche pas à trouver le bonheur, il l’a partiellement, il cherche à retrouver celui qu’il a perdu. Il ne peut plus rester les bras croisés sans rien faire. Il enfi le ses bottes et part.


« D’aussi loin que je me souvienne, je suis le silence.
À ma naissance, je n’ai pas pleuré. je n’étais pas prêt. Pas prêt à prendre ma place.
Les autres, les autres étaient si brillants. J’ai appris à marcher à travers eux sans qu’ils me voient. J’adorais ça. Être au milieu. Faire le nombre.
Ne pas danser sur la musique pour mieux l’entendre.
Ne pas jouer à la guerre de peur de faire mal. J’étais le silence émerveillé.
Je marchais pieds nus sans laisser de traces. Je marchais pieds nus sur l’herbe coupée sans me douter…. »


Steve quitte son pays.


« J’ai pris ma décision. Je vais partir. J’irai refaire ma vie quelque part. On me croira tué ou capturé. Avec un peu de chance, je deviendrai un héros pour ceux qui restent. »


Après le temps de l’enfance, synonyme d’insouciance, chaque adulte a, du moins dans les pays démocratiques, la possibilité de choisir sa vie. Steve décide de disparaître pour se construire et construire sa vie mais aussi pour participer à la reconstruction d’un pays en zone sensible et pour permettre à la population de ce pays d’engager un processus de paix.


2. Comment se rencontrer et rencontrer l’autre ?


Steve trouve les souliers d’un enfant, il sort un cahier noir tout usé de sa poche et écrit quelques phrases. Steve perd l’équilibre et tombe.


L’enfant aperçoit le cahier, l’ouvre, le feuillette. Il le cache dans ses vêtements.


Steve porte des bottes, l’enfant est pieds nus. Comment ces deux êtres si différents vont-ils pouvoir s’appréhender et se rencontrer ?


Les paroles de Steve et de l’enfant sont cinglantes et teintées d’arrogance. Ce sont des répliques d’êtres fragiles qui n’osent pas se l’avouer. Steve est trop sensible, l’enfant trop digne. Finalement ils prononcent leur affection l’un pour l’autre en se dévoilant.


La curiosité est peut-être l’un des derniers traits d’humanité à pouvoir s’effacer….


« Ces souliers, où les as tu pris ?
Sur un mort.
Lequel ?
Il y en a tellement.
Où ?
Il y en a partout.
Sois plus précis.
Ces souliers, je les ai perdus, il y a très longtemps. J’en avais fait mon deuil. Mais ils ont refait surface.
Je ne joue pas aux devinettes.
Non, toi tu joues à la guerre.
Qui es-tu ? Tu ne ressembles pas aux autres gamins qui traînent par ici.
Eux finiront bien par me ressembler.
Quel est ton nom ?
Je porte un nom d’inconnu.
Je dois savoir ton nom.
C’est sans intérêt.
Je pourrais t’aider.
Je n’ai pas besoin d’aide.
Tu as des papiers ?
Des papiers…. Oui bien sûr.
Je veux les voir.
On ne montre pas ses papiers à un étranger. »


3. La vie, source d’espoir


Jean Rock Gaudreault a imaginé en toile de fond ces deux personnages dans un pays où les confl its sont prédominants. Le lieu n’est qu’un prétexte.


En opposition avec cet endroit sombre et peu engageant l’auteur nous présente deux personnages remplis d’espoir et de force de vie où la question de l’amour - l’amour de l’autre, l’amour de soi – et la question de la foi sont centrales.


« Je ne suis pas l’invention de ton esprit fatigué Steve. J’existe. J’existe quelque part. Et c’est ici ! et c’est maintenant !
Il y a une question vitale que je dois te poser. Il me faut la bonne réponse. Surtout, évite de te concentrer, je veux quelque chose de spontané.
Je ne suis pas capable….
Je te donne trois indices.
Non…
Prêt, pas prêt, j’y vais….Qu’est ce que tu vois ?
Je vois…. Je vois le sol.
Qu’entends-tu ?
Ma respiration…
Quelle est cette odeur dans l’air ?
Des récoltes qui pourrissent dans les champs.
Peu importe les réponses à ces questions, quel que soit le nom qu’on lui donne…Fais un effort ou la réponse risque de t ‘échapper…
C’est…. C’est la vie ».


Steve et l’enfant laissent paraître le plus beau langage des hommes, le langage du coeur. Petit à petit, à travers les différents échanges, les deux personnages apprennent à se connaître, à se regarder, à s’apprécier, à s’aimer avec une grande marque de respect et une grande attention pour l’autre. Ces deux personnages se découvrent et deviennent des hommes en révélant leurs secrets, leurs origines et en acceptant les ambivalences de chacun.


Steve fait une boucle, il retrouve le bonheur qu’il avait connu mais il peut à présent le partager avec sa famille. Il est un homme. L’enfant partage ses rêves. Il existe pour quelqu’un, s’accroche à la vie et devient un homme, peut-être libre…


Fabulation d’Occidental ou signe d’espoir ? N’est-ce pas avant tout le désir de pouvoir entrapercevoir une humanité plus paisible et moins inhumaine dont il est question ? N’est-ce pas aussi la force de vivre qui nous habite tous et nous pousse dans notre vie à chaque instant comme pour Steve et cet enfant dont il est question ?

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