Dans Class Enemy, nous avons un aperçu de l’abysse qui existe entre les paroles, ce qui est dit, et les faits, ce qui existe. Dans une Europe dévastée par la crise, où les problèmes bien réels de la vie quotidienne s’opposent frontalement aux discours abstraits de la classe politique, où les débats sur l’éducation reflètent l’enjeu principal de ce qui permettrait de sortir de cette crise, la pièce de Nigel Williams sonne particulièrement juste.
Tandis que dans la salle des professeurs, nous sommes plongés dans des discussions sans fin sur quel modèle (social, culturel, politique ou économique) serait sensé nous apporter un futur meilleur, un autre futur nous attend, oublié dans une salle de classé, jouant un jeu dangereux pour essayer de surmonter l’écrasante solitude d’élèves livrés à eux-mêmes.

Travailler aujourd’hui sur ce texte, avec un groupe de jeunes comédiens, est en soi un exercice politique, un rappel implacable des problèmes actuels, un rappel du présent. Mais le présent est bien plus ; le présent est le moment où se déroule la lutte titanesque qui forge ce nous voulons faire du futur. Nous ne devrions ainsi pas laisser le présent de côté car de ce fait nous abandonnons également le futur. Ce qui pourrait être vu comme une explication très métaphorique du projet que nous nous apprêtons à créer, peut-être même un peu trop farfelue, est simplement une parole de vérité.

Que faisons-nous là ? La question peut-être aussi : pourquoi moi, en tant que Portugais, je trouve évident de travailler avec de jeunes comédiens français, à Bordeaux. Qu’est-ce que nous avons fait pour arriver ici ? C’est la question qui précédera le début de notre processus de création, en décembre. Qu’est-ce que nous ferons ? Jusqu’où irons-nous ? Ce sont des questions que nous laisserons au public, à la fin des représentations, en mai.

Nuno Cardoso