: Note de mise en scène
Un café
J’aime l’idée que les spectateurs se fassent auditeurs, mais aussi qu’ils soient
totalement submergés par l’ambiance d’un lieu (ici un café en Provence). Je souhaite
aussi leur offrir des espaces de retrait où ils puissent renouer avec leurs propres
souvenirs : la chanson doit permettre ce retrait. Elle n’a certes pas la même fonction
que chez Brecht, mais d’une certaine façon il s’agit, par la chanson, d’arrêter la
fiction pour accéder à une conscience collective.
Qu’est-ce qu’ils viennent chercher, ces hommes et ces femmes dans le petit
café ?
D’abord ils viennent répandre la rumeur (la petite), ils viennent parler, parler
des autres, se complaire dans la rumeur. A quoi bon ? Il s’agit peut-être, dans ces
vaines rumeurs, de s’oublier, d’oublier l’angoisse de la guerre, la tentation du
racisme, la terreur de ce qu’inspire l’autre. Mais ils viennent sans aucun doute
chercher la compagnie de Mimi, charismatique, généreuse, à l’écoute. Ils viennent
aussi chercher, démystifier le mystère que Mimi cultive en son sein…
Au café, ils viennent chercher des réponses.
Des chansons
Un théâtre chanté voilà ce dont j’ai envie.
Parler de ces choses graves : le bannissement d’une jeune Algérienne par
son clan, la guerre, le déracinement. Parler de ces choses graves donc, en chantant.
Eclabousser de couleurs, de notes de musique, un quotidien tragique sur fond de
guerre d’Algérie.
La grande Histoire est jalonnée de refrains dérisoires et entraînants qui nous
marquent à tout jamais. Nous rappelant nos comportements passionnés, nos doutes
et nos inquiétudes. L’Histoire, la grande, s’ancre de façon exacerbée dans notre
mémoire par la prégnance des chansons, des refrains éternels comme des parfums
de vie, des étapes inoubliables.
La chanson populaire n’a-t-elle pas le pouvoir de nous affranchir du temps et
de nous libérer d’une crainte de la mort et de la souffrance ?
Un réalisme poétique
Il y a aussi le désir d’instaurer un rapport direct avec les personnes du public,
un rapport d’intimité dans une sphère de réalité poétique. Pour raconter la poésie, il y
a eu l’idée de « La Dame », personnage muet, qui symbolise à elle seule la clientèle
du café, la population du village, une France encore naïve (celle des trente
glorieuses), qui subit les deuils de la guerre et ses blessures.
Pour accéder à la poésie, il y a le décor, un grand bar rouge usé par les mains
et les fonds de bouteilles, témoin déjà d’une longue histoire…
Mais il y a aussi et surtout Mimi, personnage haut en couleurs, belle « madone
matrone ». C’est le décalage qu’elle amène dans ce lieu provençal franchouillard,
elle la berbère en cavale, qui engendre une certaine poésie du spectacle.
Sa langue aussi. Son langage « audacieux » pour l’époque, insolent, ordurier,
un mélange de provençal et d’arabe, une langue inventée, une langue poétique donc
qui lui permet, elle seule, de dire les choses, d’appeler les choses par leur nom.
Voilà pourquoi j’ai demandé à Rayhana de parler arabe. Pour être un peu plus
près de la réalité, un peu plus près d’une poésie de théâtre.
C’est cette ligne de réalité poétique, nourrie de chansons, de langues
singulières, de personnage muet et de couples d’amoureux qui font référence à
Sempé ou Pagnol qui soutiendra ce spectacle de théâtre chanté.
Frédérique Lazarini
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