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Cancrelat

+ d'infos sur le texte de Sam Holcroft traduit par Sophie Magnaud
mise en scène Jean-Pierre Vincent

: Un objet qui résonne avec l’époque

Cancrelat, par Jean-Pierre Vincent / Avignon 1 / Journal de Théâtre Ouvert

Regard de Jean-Pierre Vincent sur la pièce de Sam Holcroft qu’il met en espace les 8 et 9 juillet 2011 au Festival d’Avignon dans le cadre de Théâtre Ouvert / 40 ans.

On lit des pièces, et puis des pièces. Certaines sont intéressantes, mais on passe... Et puis, on en rencontre une qui vous ravage dès la lecture, un objet qui résonne aussitôt avec l’époque, vivement, brutalement. C’est ce qui m’est arrivé avec Cancrelat. Notre monde contemporain est bien compliqué à mettre en pièce, agité qu’il est de soubresauts continuels, dans l’accélération du monde. Les auteurs anglais d’aujourd’hui sont particulièrement aigus dans leur façon d’appréhender le réel, de le capter, d’y mêler soudain une fiction, une péripétie qui pousse le réel dans ses retranchements.
Dans cette pièce, il est question de guerre. Au jour d’aujourd’hui, nous vivons tous, le plus pacifiquement qu’il nous est possible, dans un état de conflit latent et omniprésent, dans cette étrange vie qui nous est imposée par l’argent mondialisé et les technologies sans pilote. Ici, dans le collège imaginé (ou photographié) par Sam Holcroft, filles et garçons sont en guerre contre l’institution, comme partout, et en guerre entre eux parfois, pour des raisons sentimentales et sexuelles. Et voici que, graduellement, la guerre, la vraie, pénètre dans les murs du collège. Cet envahissement insistant va changer leurs vies, des garçons vont mourir, le désespoir est chauffé à blanc. Il y aura des survivantes, mais pourquoi, vers quoi ?…
Même si on peut penser à Edward Bond, ceci n’est pas seulement une nouvelle Pièce de guerre. Le vrai centre de l’affaire est le titre Cancrelat. Dans les moments d’accalmie, la prof des sciences naturelles de ces presque enfants – jeune elle aussi, patiente et fragile – leur fait réviser « l’ovulation », « la sélection naturelle », etc. On y apprend par exemple que les organismes dont l’espérance de survie est la plus grande ne sont pas forcément les plus forts mais ceux qui s’adaptent le plus aisément à leur environnement. Exemple : les cancrelats. Cancres, cancrelats, cafards (et cafard), c’est la revanche de ces petits êtres, peu ragoûtants, éclatant de vie, indestructibles. La nature aujourd’hui se rebiffe contre les prétentions technologiques de l’humanité. Comment le vivant va-t-il se sortir de cette sale histoire ?
Et, « last but not least », cette pièce est écrite par une (jeune) femme. On y trouve des instants de grâce, de sentiment (mais oui), des scènes d’adieu où l’on se dit tout, des scènes d’amour où l’on ne se dit rien… Les cancrelats sont peut-être l’avenir de l’homme, mais les femmes en tout cas, oui.
Longue vie d’auteur dramatique à Sam Holcroft, donc. Qu’elle nous en donne d’autres, des textes comme celui-ci ! C’est tout l’espoir que l’on a, quand on aborde une telle œuvre dans la forme esquissée de Théâtre Ouvert.

Jean-Pierre Vincent

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