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Brefs entretiens avec des femmes exceptionnelles

+ d'infos sur le texte de Joan Yago traduit par Laurent Gallardo
mise en scène Gabriel Tur

: Note d’intention

Par le Grand cerf bleu

Notre première sensation à la lecture est de se confronter à une parole brute et sans filtre, une impression de propos rapportés d’échanges réels directement en prise avec une vérité de notre société. Cependant ces personnages, bien qu’inspirés de personnes existantes, sont fictifs. Ces portraits de femmes extrêmes, monstres contemporains, qui représentent des problématiques paradoxales de notre société (question du tout-sain, de l’image, de la sécurité, du transhumanisme, du genre, de la sexualité...) surprennent et démontent nos préjugés. Joan Yago nous donne à entendre leur propos sans jugements, et c’est en prolongeant son geste que notre mise en scène cherchera à interroger le spectateur sur ce qu’il voit, à le rendre actif sans aiguiller son appréciation, le renvoyant à ses propres limites.


La mise en réalisme et le degré zéro de la convention théâtrale comme point de départ


Tels qu’ils le sont proposés à l’écriture, nous voulons poursuivre le sentiment de vérité troublant de ces entretiens, autant dans l’interprétation et la qualité de la parole que dans l’apparence au plateau de ces femmes. Les particularités physiques de certains personnages seront prises au premier degrés et représentées telles quelles, (travaillées par le maquillage ou incarnées par des acteurs correspondant à l’âge des rôles) afin de mettre à jour les discours déstabilisants des personnages par rapport à ce qu’ils paraissent. La voix de l’homme qui pose des questions sera incarnée par un acteur réellement présent au plateau. Ce rapport très simple et humain entre intervieweur et interviewé pourra dans un premier temps mettre à l’aise le spectateur par la reconnaissance d’une situation familière. Cela permet de donner toute la force à la vérité sensible de la parole pour venir par la suite déconcerter le spectateur et le questionner sur quoi penser de ces femmes, de ce qu’elles disent, de leurs choix.


La fabrique du faux et la machine théâtrale En parallèle du réalisme des entretiens, la mise en scène mettra en évidence la fabrique du faux. Cette approche concrète des corps sera en même temps démontée et mise en écho en voyant sur les côtés du plateau ou au fond de la scène les comédiennes se changer pour se préparer à incarner une nouvelle


individualité. Quand les entretiens se terminent, nous travaillerons sur des ruptures, comme si on arrêtait la prise (comme lors d’un tournage, d’un talk-show, d’une vidéo YouTube...) pour renforcer l’effet de construction de l’instant et du réel. De plus, la musique live peut orienter l’émotion et participe à la construction de la fiction. Une musique rythmée pourra soutenir les transitions entre les entretiens, venant évacuer la tension contenue, comme la soupape d’une cocotte-minute. Certains entretiens pourront être accompagnés d’une présence musicale beaucoup plus discrète, qui portera la tension et donnera une distance, fictionnalise inconsciemment ce que l’on voit à la manière d’une bande originale de documentaire. Ce texte nous pose la question de la construction de l’identité et de la fictionalisation de nos propres vies. C’est cette réalité fabriquée intrinsèque à la dramaturgie qui nous apparait être un révélateur des paradoxes actuels de représentation des individus. On pourrait même penser que la réalité est un concept en cours de redéfinition. Les réseaux sociaux en tête, de post Instragram en Stories, la dynamique médiatique consiste à nous vendre une idée du réel, d’auto(re)présentations numériques de soi, alors que tout est calculé, fabriqué, manufacturé. La spontanéité est mise en scène comme un tableau. Tout le monde a la possibilité d’exposer son identité, son individualité, son exception. Exception qui nécessite de plus en plus de fantaisie afin de se distinguer de la masse. À quel moment est-on encore dans le réel ? Comment ces femmes qui ont l’air bien réelles et qui sont radicales dans leur choix de vie semblent avoir construit leur parcours et leurs particularités de toutes pièces comme les actrices construisent et incarnent des personnages inventés de A à Z ?


  • Le Grand Cerf Bleu juin 2019
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