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Bettencourt Boulevard ou une histoire de France

+ d'infos sur le texte de Michel Vinaver
mise en scène Christian Schiaretti

: 2015 Bettencourt Boulevard ou une histoire de France

Ce qui me frappe d’entrée, c’est à quel point cette pièce de Michel Vinaver met en perspective toute son œuvre, et à quel point elle redonne corps et âme à l’élaboration d’un Grand Théâtre du monde où chacun est représenté, avec un certain rire en conclusion.


L’imbroglio financier et familial, comme souvent chez cet auteur que je connais bien, joue avec des thèmes mythologiques. On repérera d’abord celui de la Mère et de la Fille et, par extension, celui du Labyrinthe. Et, au-delà, un étranger dans la maison. Il y a du Dionysos dans ce photographe-là.


Élaborer la mise en scène à partir de la seule figure héliocentrique de Liliane Bettencourt, revient à exploiter la dimension symbolique et fantasmatique du personnage: ogresse, déesse de l’Olympe. Par contre, si l’on opère un recentrement sur sa fille, unique de surcroît, on entre alors dans une dimension conflictuelle, et l’on justifie la présence dans l’œuvre des deux ancêtres fondamentaux: le rabbin héros déporté, et le chimiste génial d’extrême droite. Pour bien marquer le coup d’envoi de cette collision, le Chroniqueur ouvre la pièce en rappelant d’entrée de jeu l’existence des deux enfants de Françoise Bettencourt : Jean-Victor et Nicolas. La perspective généalogique lui permet de convoquer les deux figures antagoniques ancestrales auxquelles la pièce va donner corps. Enfin, on ne saurait oublier que c’est précisément au moment où Liliane Bettencourt envisage d’adopter François-Marie Banier que se déclenche la réaction de sa fille, Françoise Bettencourt. Clytemnestre? Electre?


Les personnages évoluent dans une sorte d’Olympe dont la quiétude repose sur un socle financier profond, quasi insondable. De tels abysses permettent l’accès à tous les désirs. Je dois trouver les moyens de représenter cet Olympe pour montrer comment ce continent — dont la puissance originelle vient du commerce, avec ses ajustements aux turbulences de l’Histoire de la France depuis les années 40 — s’est lentement transmué en capitalisme financier, débouchant sur le règne du silence et de l’anonymat.


Ce «lieu», ignoré du commun des mortels, est percuté aujourd’hui par le journalisme d’investigation et s’estime violenté par les outils modernes pour capter, enregistrer ce qui se joue et se dit derrière ses lourdes portes. Tout à coup, des morceaux de cette réalité parviennent dans le quotidien de chacun, et l’on prend conscience que l’échelle sociale est plus longue qu’on ne l’imaginait, et que cette histoire est pleine de fantômes particulièrement loquaces. Cette prise de conscience est bien l’affaire du théâtre. Pour peu qu’il ne juge personne et s’attache, prioritairement, à montrer des faits, il ne peut que gagner en universalité.


Christian Schiarett

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