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Andromaque

+ d'infos sur le texte de Jean Racine

: Andromaque

“Il y a tragédie toutes les fois que l’impossible au nécessaire se joint”.
Vladimir Jankélévitch


On connaît la célèbre formule qui paraît résumer la première grande tragédie de Racine : Oreste aime Hermione, qui aime Pyrrhus, qui aime Andromaque, qui aime Hector, qui est mort. Mais notre intérêt pour Andromaque est guidé par la conviction que dans cette pièce, les désirs individuels des personnages — si intenses et envahissants qu'ils ont pour eux la figure du destin — sont néanmoins toujours liés à une histoire collective, qui tout à la fois les dépasse et les oriente.


En effet, ce n’est pas tant la mort d’Hector que les circonstances de cette mort qui déterminent la trajectoire des personnages. Si Hector n’avait pas été tué au combat par Achille, le père de Pyrrhus, et toute sa famille massacrée par Pyrrhus lui-même, en d’autres termes si les Grecs n’avaient pas rasé Troie et exterminé ses habitants, Andromaque serait une autre pièce : un drame galant, et non une tragédie.


C’est donc l'inscription d'une intrigue amoureuse dans l'horizon sanglant de la guerre qui, selon nous, donne à Andromaque sa dimension proprement tragique. Il y a d’abord la guerre de Troie, ce “passé qui ne passe pas” et qui hante la conscience des personnages, et il y a ensuite le risque d’un conflit futur, danger incarné par Astyanax, ce fils d’Hector et d’Andromaque, ce “reste de Troie” que les Grecs veulent éliminer à la fois comme un mauvais souvenir et comme une menace, et dont Oreste, leur ambassadeur, vient réclamer la tête.


On sait que dans les années 60 Roland Barthes affirmait qu’il fallait, pour jouer Racine, donner à voir et à entendre la distance qui nous en sépare[1]. Mais la distance à l’égard de ce que Hegel nommait “la prose du monde” étant intrinsèque à l’esthétique du classicisme[2], il nous paraît aujourd’hui inutile de donner une représentation “distanciée” d’une écriture qui l’est déjà par elle-même, à moins de tomber dans une forme de pléonasme que Barthes condamnait tant par ailleurs. Aussi souhaitons-nous orienter notre travail sur la réalité et le prosaïsme des situations, en essayant de faire entendre ce qui, dans cette légende grecque réécrite au dix-septième siècle, fait écho aux soubresauts du vingtième siècle.


Forts de notre culture et de l’Histoire qui nous a forgés, il nous semble important de relire Racine aujourd’hui à la lumière de Claudel et de Tchekhov. Peut-être s’agit-il aussi dans notre démarche de relire Racine à la lumière des Grecs, source directe de son inspiration.

Notes

[1] Roland Barthes, Sur Racine, Editions du Seuil, Paris, 1963.

[2] G.W.F. Hegel, Esthétique, traduction S. Jankélévitch, Aubier, Editions Montaigne, Paris, 1944.

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