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: De l’intérêt de la vidéo

Toute l’adaptation de José Pliya est centrée sur l’alternance des « séquences » de regards de Claire sur le monde qui l’entoure et de séquences plus intimes, intimistes sexuellement troublantes et dérangeantes où son malaise de vivre sa condition de femme se révèle dans toute sa douleur, sa perversité, son désarroi. Les premières séquences concernent donc plus une certaine vision politique, celle, sans concession d’une aristocrate déchue. Le regard lucide de Claire sur l’évolution de cette société haïtienne qui change de repères et dont les donnes politiques changent de main. Elle est l’observatrice consciente et impuissante de ces bouleversements. J’ai demandé au vidéaste guadeloupéen, JanLuk Stanislas, de prendre le relais de l’actrice lors de ces périodes de description comme une mise en perspective de ses propos, de ses visions dérobées à l’ombre des persiennes de la demeure coloniale. A partir d’images d’archives, mais aussi en cherchant une correspondance avec cette société haïtienne d’aujourd’hui où la condition du peuple n’a guère évolué, où la tension et l’électricité des esprits sont encore perceptibles, oscillant entre soumission et révolte. Un monde coloré et bigarré fait de mouvements de foule et de croisements des regards élargira l’espace scénique comme une ouverture au monde. En effet, ce qui frappe le plus quand on débarque à Port-au-Prince, c’est cette impression de multitude, de jeunesse à l’énergie débordante, comme une source tumultueuse, anarchique, et prête à déborder au moindre remous, à se soulever… Pour les séquences d’intimité, il s’agira pour le vidéaste de voler, de dévoiler l’impudeur des sentiments et des émotions qui submergent l’héroïne. Claire si chaste et bien élevé, la vieille fille sans problème, si timorée, effacée à tel point qu’on oublie qu’elle peut voir, penser, manipuler. Ses fantasmes mis à jour, l’obsession du sexe révélée ; c’est une femme aux spasmes dérangeants au regard lubrique et impudique, des effleurements de la peau au trivial de la pilosité suintante qu’il s’agira de suggérer dans un noir et blanc érotique et sensuel. Opposition des couleurs, d’une foule à une solitude, de la vitalité à l’enfermement, la caméra aura à rendre compte de ces antagonismes de ces contradictions, qui sont l’essence même de toute cette première partie de la trilogie de Marie Vieux Chauvet.

Vincent Goethals

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