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A la périphérie

+ d'infos sur le texte de Sedef Ecer
mise en scène Thomas Bellorini

: Note de mise en scène

En mars 2012, je suis allé à la Maison des Métallos. Sedef Ecer m’avait invité à venir écouter son nouveau texte À la périphérie qui était programmé pour une série de lectures.


Dès les premières minutes, le texte de Sedef m’a parlé. Très actuel, il abordait avec une grande simplicité des grands thèmes qui m’étaient chers et sur lesquels je travaillais depuis des années. Cela faisait longtemps que Sedef et moi souhaitions travailler ensemble, sans savoir quand et comment. Après la lecture, en parlant des possibilités scéniques du texte, nous avons immédiatement ressenti que c’était le projet qui allait enfin pouvoir unir nos deux univers : celui de Sedef, avec ses personnages et ses situations qui reposent sur la naïveté et l’humour pour traiter les sujets graves, et le mien, « musical, charnel et ancré dans le sol » d’après elle.


Dans À la périphérie, si la quête de Tamar et d’Azad, de Dilcha et de Bilo m’était si familière, c’est parce que, depuis quatre ans, je travaille dans un collège « à la périphérie », à la Courneuve, ville dont Sedef s’est inspirée pour écrire la deuxième partie de la pièce. J’y anime un atelier avec des primo-­‐arrivants. Ces enfants ne parlent pas encore le français et sont intégrés dans un collège où ils rencontrent une nouvelle culture, de nouvelles coutumes. Nous chantons des chansons de chez eux et des chansons en français. Et souvent nous travaillons sur leurs souvenirs. Ces enfants me livrent leur destin, si particulier, avec leurs mots, leur voix, leur patrimoine musical. J’ai donc eu l’occasion de comprendre leurs rêves, d’en parler avec eux, d’en faire quelque chose. Ces enfants, tout comme les personnages de Sedef, m’ont appris que seul le rêve permet d’espérer un ailleurs. Et que l’histoire se répète souvent de générations en générations, exactement comme l’histoire que Sedef raconte…


LA MUSIQUE


La musique sera très présente, comme dans toutes mes créations. Je souhaite construire une ligne dramaturgique à l’aide d’une longue mélodie qui permet de passer d’un monde à l’autre, d’une époque à l’autre, d’une langue à l’autre, d’une culture à l’autre…


Ce mélange des sons et des sonorités sera, tout au long de la pièce, le reflet des périphéries, de la vitalité qui y habite…


Un autre son qui, au contraire a perdu de son humanité, viendra s’y superposer : sonorités enregistrées dans les images d’émissions et la voix (sonorisée) de la présentatrice nous raconteront une autre histoire. La voix de cette figure médiatique puissante finira petit à petit sans micro, sans habillement, nue et sincère pour nous livrer sa propre réalité, loin de celle qu’elle nous montre sur ses plateaux de télévision.


L’ESPACE


La présence de la vidéo aura son importance puisque, à l’image de la société actuelle, elle sera tour à tour le téléviseur, l’écran de la webcam, ou le reflet d’images de périphéries... L’émission de télévision étant très présente dans la pièce, l’écran permettra cet aller-­‐retour entre le monde réel et virtuel, atteignant son « climax » au moment où Tamar gagne un voyage en direct pour enfin réaliser son rêve.
Je souhaite créer un espace décomposé pour mieux rencontrer l’écriture fragmentaire de Sedef Ecer : des hauteurs, des profondeurs, des superpositions de plans rendront l’espace tour à tour humain ou inhumain. Ces espaces seront le miroir d’une société parcellaire, et dans laquelle chacun cherche à passer d’un monde à l’autre, en espérant une meilleure place.


Dans le texte, la poésie a une grande place : les djinns, les anges, la sorcellerie, les enfants qui naissent sans nombril. Tout cet univers onirique qui vient contrebalancer un monde extrêmement dur et pauvre, existera dans mes choix de metteur en scène : je me servirai de la poésie, de la musique, de l’imaginaire et d’un certain folklore pour dessiner le monde des personnages du passé, alors que de la trame du présent, j’ai envie de garder ce qui est clairement dénoncé dans le texte, la peur de l’Autre.


LA PÉRIPHÉRIE : sons, musique, scénographie, langues « périphériques »...


Bien évidemment, j’ai envie de donner une place essentielle à cette idée de la périphérie, la colonne vertébrale du texte. Par le son et la musique puisqu’ils seront très présents dans le spectacle, à l’image des bidonvilles où la musique permet de survivre, mais également par les langues qui se mélangent et s’entremêlent.


Je souhaite que la musique prenne le relais quand les mots ne suffisent plus, puisqu’elle rend l’émotion universelle, et permet de dépasser les frontières, celles qui séparent les pays mais aussi celles qui séparent le centre de la périphérie : de différentes lisières qui hantent l’écriture de Sedef. Une grande partie du travail musical sera basée sur les chansons tziganes et le répertoire de Zsuzsanna Varkonyi qui interprétera Kybélée. Cette femme « tsigane » est l’exclue des exclus, celle qui est à la périphérie de la périphérie, mais elle est aussi la sorcière : celle par qui tous les miracles arrivent, par conséquent, le contrepoint de Sultane, star de la télé qui offre des machines à laver, des traitements contre le cancer et des mariages à ceux qui habitent les bidonvilles et qui n’ont rien.


Quant à l’univers musical de Sultane, personnage kitsch et exubérant, je souhaite le ponctuer de sa « chanson » de Paris, « La vie en rose » d’Édith Piaf. Ce thème sera récurrent et viendra entrecouper son discours allant parfois jusqu’au burlesque.


Pour finir, une chanson traditionnelle turque représentera le monde dans lequel le texte est né, puisqu’il s’agit de l’origine de l’auteure. Interprétée sur scène à capella, elle nous liera à l’autre côté du monde, à l’autre côté des lisières, à toutes les périphéries du monde.


Par le choix de ces univers musicaux variés, d’une scénographie fragmentaire et de comédiens venant de mondes et de cultures très différents, je crois pouvoir poser un regard juste et nouveau sur ce texte que nous souhaitons défendre durant la saison 2013-­‐2014.

Thomas Bellorini

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