À Distances s’est construit dans une bâtisse au milieu d’une forêt. C’est à la fois insignifiant et essentiel. Les arbres cachent la forêt. Au tout début donc, Jean-Pierre mit en liste ses désirs les plus contingents, comme l’aurait fait un enfant en entrant dans le grenier de sa grand-mère : il y était question pêle-mêle d’action à distance, d’aventures entre les causes et les effets, d’autoportraits, de mots de Paul Valéry. Suivit le travail d’artisan, les allers-retours de toute l’équipe entre l’atelier de fabrication et la salle de répétition, entre la matière résistante et ses possibilités poétiques, indicibles ; relier les fils d’une grande toile fragile. Lentement, un spectacle inattendu est apparu, comme une pellicule d’un film photographique qui enfin se révèle. On y voit un homme en quête d’un autre lui-même lui déjouer la distance entre lui et le monde qui l’entoure, tisser les mots, exposer les regards, pour finalement prendre doucement voix et visage. Pour exister, il crée. Pour créer, il s’interroge sur le temps et la surprise, avec humour et tendresse. Il n’y a pas de théâtre sans attente et il n’y a pas d’attente sans surprise. Ici, écriture et mise en scène se sont vite révélées indissociables, ils répondent à des canons différents du théâtre que je connaissais jusqu’alors, sans doute parce que le propos n’est pas autre chose que poétique.

Thierry Roisin