Amour, lâcheté et lucidité
Un fil à la patte est une réussite absolue. Les personnages sont ballotés par un système, entraînés par une histoire. L’argent y a une place déterminante ; chacun court après, à sa façon. Cela ne va pas sans une espèce de cynisme, de détachement par rapport à la vie sentimentale. Dans ce contexte, l’attachement qu’a Lucette pour Bois d’Enghien est une chose rare et touchante. Quand ce dernier lui avoue qu’il va la quitter parce qu’il n’a pas assez d’argent pour elle, elle lui répond qu’elle s’en moque. Ce qui est drôle, c’est que les autres personnages ne comprennent pas que ces deux-là puissent être ensemble parce qu’ils s’aiment ! A la tendresse de Lucette répond la lucidité de Viviane. Pour elle, en revanche, la vie sentimentale n’est qu’un
vaste marché où règne la loi de l’offre et de la demande. Et si elle accepte Bois d’Enghien c’est parce que c’est un homme de son temps.

Trouver la belle humeur
Les pièces de Feydeau sont souvent une suite de déconvenues ou de malheurs pour les personnages de son théâtre. Mais il y a chez l’auteur un art de la construction poussé à la perfection. La mécanique est parfaitement réglée. Le génie de Feydeau réside dans l’art des contrastes, dans la mise en situation des obsessions de chacun, et dans l’entremêlement des situations. L’autre ressort, bien sûr, est un emploi étourdissant des mots d’esprit. Et pour que cette oeuvre fonctionne, il faut qu’on soit dans un rythme précis. Il faut que le cerveau du spectateur fonctionne à une certaine cadence. Et les personnages sont pris à l’intérieur de ce mécanisme. C’est cela qu’il faut jouer. Il faut trouver la bonne humeur. La belle humeur.

Une aventure de troupe
La création d’Un fil à la patte est l’occasion de plonger dans l’oeuvre de l’auteur et de relever un très beau défi pour la troupe : celui d’éprouver sa capacité comique et rythmique, et d’interroger librement tous les ressorts de la comédie dans l’intimité du collectif.