La Comédie de Clermont-Ferrand tient à engager sur deux saisons un artiste. A la fin de ce mandat, les moyens lui sont donnés pour réaliser un spectacle.

Il y a trop longtemps que les théâtres sont prioritairement et majoritairement habités toute l'année par les seuls techniciens et administratifs. Les artistes reviennent eux à la nuit tombée, puis repartent. Ils vont de lieu en lieu tels des nomades. Inquiets de leurs lendemains, ils s'organisent en réseau (en famille?), essaient d'être là où il faut, de fréquenter qui les valorisera. Ils donnent ainsi naissance à une entité impalpable qu'il est convenu d'appeler "le métier" ou "la profession". Ce milieu fonctionne sur quelques références clés qui assurent à l'acteur une notoriété. Résultat de cette répartition des rôles: une détérioration du lien avec le public, une mauvaise connaissance de la marche journalière d'un théâtre, un engagement artistique géré comme un portefeuille en bourse.

Apporter à un artiste une activité de deux ans en l'intégrant à la marche du théâtre, peut être pour lui la possibilité d'aiguiser sa conscience artistique. Travaillant enfin et avant tout sur lui, c'est ainsi qu'il apporte à tous. Par ailleurs les employés des théâtres doivent reprendre l'habitude d'avoir des artistes avec eux, et ce dès neuf heures le matin.

Jean-Philippe Vidal m'a fait l'amitié d'accepter ce partage du quotidien. Nous nous sommes rencontrés il y a plus de dix ans à Chaillot alors qu'il était apprenti comédien chez Antoine Vitez.

Ce qu'il aura accompli ici est considérable: rencontres avec le public, lectures, animation d'un atelier théâtre, responsabilités dramaturgiques et bien sûracteur: Un Cabaret…, Le Nécrophile et maintenant Les Soliloques d'un chœur. Le public l'a reconnu.

Aujourd'hui son contrat arrive à terme, et il a choisi de réaliser ce spectacle auquel vous êtes conviés.

Acteur parmi les six réunis ici il est celui qui sort du cercle pour regarder, choisir. N'est-ce pas cela mettre en scène?

Dans tout ce que je viens d'énoncer rien de neuf, seulement un goût affirmé pour les origines. Le théâtre est notre caverne. Lieu de refuge et de réflexion. L'abri idéal où la part énigmatique du monde, celle qui ne change pas, doit être jouée et rejouée pour se donner l'espoir de comprendre.

Jean-Pierre Jourdain
Directeur de la Comédie de Clermont-Ferrand