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Sans objet

Aurélien Bory ( Mise en scène )


: Présentation

Création 2009

Interview d'Aurélien Bory par Christophe Lemaire, janvier 2010


Publication pour le Théâtre de la Ville


Votre travail pourrait se définir comme un point de rencontre entre le théâtre, l’installation (ou la performance), et le cirque. Croyez-vous que cela rende difficile son identification par le public ?


Ne pas savoir ce que l’on va voir est certainement une des meilleures façons d’aller au théâtre… C’est-à-dire être dans un état de disponibilité propre à aborder une nouvelle forme, sans a priori. J’essaie dans mon théâtre de laisser une grande place au spectateur. C’est lui qui finit l’oeuvre. Par association d’idées, par ses références, par reconnaissance de son expérience, par tout ce qui constitue sa lecture, il s’approprie ce qu’il regarde. Et pour stimuler son imaginaire, il faut réussir à provoquer un trouble. C’est ce que j’essaie de faire en déplaçant les choses. D’ailleurs c’est le point de départ de Sans objet : extraire un robot de l’industrie et le placer sur une scène. Il devient le réceptacle, le miroir de nos projections. Je vois le théâtre un peu de cette manière.


Vous appelez souvent vos interprètes des acteurs, et pourtant ils ne disent pas un mot, n'ont pas de texte.


Quand je dis acteur, je pense action. Acteur, en tant que celui qui agit. Dans Sans objet, l'acteur utilise son corps comme moyen principal d'action. Et c'est sur ce terrain que s’établit le dialogue avec le robot, qui a lui aussi un corps, un bras articulé, six axes capables de se mouvoir en tout point tout autour de lui. D'une manière générale je pense que tous les moyens d'actions se valent sur la scène et je ne vois pas de hiérarchie au théâtre entre le texte et d'autres moyens d'actions.


Dans Sans objet, le robot, -omniprésent-, semble d’une puissance incroyable, au point de faire toujours peser une menace potentielle sur les interprètes. Cette rencontre entre l’homme et des éléments de prime abord insurmontables, m’avait déjà frappé dans Les sept planches de la ruse. Cette confrontation d’échelle fait partie des choses qui vous intéressent ?


J’essaie effectivement de confronter l’homme à quelque chose qui le dépasse. Un espace précis, un objet posé sur le plateau auquel je donne une capacité de mouvement, d’action. L’idée du robot est venue de cette réflexion sur le théâtre, sur l’objet animé. Elle croise Kleist et son texte sur le théâtre de marionnettes, Schlemmer dans son rapport à l’objet, et même Meyerhold, avec le constructivisme. Il y a dans chaque cas l’idée de la confrontation du vivant et de l’inerte. Comme si cette confrontation nous révélait quelque secret…


Sans objet, que j’ai vu à la création à Vidy-Lausanne, est à la fois drôle et inquiétant : le corps humain y est d’abord performant et le robot sensible, ce qui rapproche d’un vocabulaire à la fois burlesque et fantastique (ou poétique), puis l’ensemble glisse insensiblement vers une déshumanisation effrayante et la machine finie par faire la démonstration concrète de son pouvoir et de sa puissance physique. Cette friction entre humour et tension était-elle inscrite dans votre idée initiale du projet ?


L'humour fonctionne comme le contrepoint des certaines impressions visuelles fortes que produit la scénographie ou les lumières et qui s'inscrivent dans une certaine rigueur. Je ne cherche pas le rire, mais j'essaie de faire en sorte que l'humour renforce la tension. Je montre l'homme dans des situations d'inconfort, d'instabilité, d'inconnu. L'action burlesque arrive comme une mise à distance. Une sorte de "non, ceci n'est pas tout à fait sérieux".


Selon vous, le rapport de l’homme à la technique –ou à la machine- est-il à ce point inquiétant pour l’avenir ?


Non je ne dirais pas cela. Mais nous vivons un temps qui ne parvient pas complètement à penser son avenir. Cela vient peut-être du fait qu'il y a dix ans que l'an 2000 n'a pas lieu. Toutes nos projections sur le progrès, sur la technique, sur l'avenir ont pris un coup dans l'aile. Nous avons une conscience accrue de notre finitude. Il nous reste alors à rêver autrement.

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