Nous avons dernièrement beaucoup travaillé avec les ouvriers-ères de la Redoute (à Roubaix), avec le soutien et l'accompagnement des Tréteaux de France. Nous sommes depuis trois saisons sur le terrain, à Wattrelos comme à Roubaix. La première saison fut dédiée à la fabrication d'un portrait des gens, dans la situation d'alors (de l'entreprise). Depuis quatre ou cinq années La Redoute traverse une crise sans précédent. Des centaines de salariés ont été licenciés, sans ménagement, entraînant une lutte violente entre la direction de l'entreprise et ses salariés. La direction a fomenté des actions en sous-main qui ont généré des conflits au sein même du groupe des travailleurs. L'encadrement s'est en partie désolidarisé de la base et des heurts violents ont émaillé le temps de la lutte entre les un-e-s et les autres. Aujourd'hui si le climat s'est apaisé, la situation n'en reste pas moins très tendue. Les gens continuent de partir et sont traités en fonction de leur comportement tout au long du combat. Les procès aux prud'hommes se multiplient et il y a ceux qui retrouvent du travail, une reconversion, une formation et il y a ceux qui ne retrouvent rien, les plus nombreux, avec ce que cela entraîne de drames personnels, de maladies, de solitude et de désespoir.

Après la création des Portraits-Veillées, film-spectacle de plus d'une heure cinquante qui a été présenté deux fois à la Condition Publique de Roubaix, devant un public très nombreux et qui nous a témoigné de sa reconnaissance et de son enthousiasme (et aussi de sa colère), nous sommes retournés l'année suivante à Wattrelos où se trouvent les ateliers d'emballage et de fabrication de la Redoute (Qu'on appelait la Martinoire et aujourd'hui Quai 30). Nous sommes retournés auprès des ouvrier-ère-s pour collecter des témoignages, cette fois uniquement par le biais du micro et non plus de la caméra. De tout ce matériau que nous avons retranscrit, nous en avons fait des lectures. Pour finir, nous avons eu l'idée de redonner cette parole réécrite en commun, avec les salariés qui se sont joints à nous, aux ouvrier-ères- eux-elles mêmes et deux actrices professionnelles. Ainsi est né le spectacle, Qui redoute la Parole (acte 3), que nous représentons au centre Jean Ferrat , salle Louis Aragon, à Avion (62), les 17 et 18 janvier prochain à 20H.

Ce spectacle est emblématique de la recherche et du travail que mène Hvdz depuis toujours. Comme un aboutissement. Ce spectacle condense les problématiques abordées par la compagnie depuis qu'elle est au 11/19.

"Pour en parler de manière plus personnelle, j'ai l'impression d'être enfin là où je dois être, de travailler avec les gens d'où je viens, sur un sujet qui les touchent directement eux-elles, nous et moi, cette lutte contre le capitalisme qui nous menace chaque jour un peu plus dans nos vies, les nôtres et celles des générations à venir. Un capitalisme d'une telle inhumanité qu'il fait la vie belle aux riches et aux puissants (ce sont les mêmes) et réduit les plus humbles à rien, en les humiliant, les méprisant, les divisant autant qu'il leur est possible. L'histoire de La Redoute, c'est l'histoire de notre monde."